Mon livre a disparu.
J’ai bien cherché dans tous les coins et les recoins. J’ai retourné ma chambre sens dessus dessous. J’ai même regardé dans des endroits étranges, comme le frigo et mes bottes de pluie.
Mais rien.
Mon livre a disparu.
La bibliothèque le réclame, un autre enfant veut le lire. Je ne sais pas quoi faire. Je cherche et je cherche, mais rien à faire.
Mon livre a disparu.
Je demande à Maman, qui le cherche alors avec moi, sans plus de succès.
— Ton livre devait vouloir voyager, me dit-elle alors simplement.
— Vraiment ?
— Les livres, c’est comme les chaussettes, ils se laissent parfois emporter un peu trop loin par leurs humains et décident alors de s’échapper pour voyager non accompagnés.
Je connais bien le problème des chaussettes qui disparaissent subitement. C’est la raison pour laquelle les miennes sont toujours dépareillées.
Mon livre serait donc parti en voyage ?
Je me demande où. L’idée de le savoir en sécurité ailleurs me fait plaisir, mais d’un autre côté, je suis triste qu’il soit parti sans me dire au revoir ni me laisser le choix.
Mon livre me manque.
J’ai envie d’en savoir plus. Où est donc parti mon livre ? Chez un voisin ou bien plus loin ? Dans un autre pays ou carrément une autre galaxie ? Je le crois capable d’accomplir tout ce qu’il veut. Un livre c’est fort après tout.
Un livre, c’est comme un animal sauvage, il vous saute dessus sans prévenir avant de s’enfuir en vous laissant la tête pleine d’incroyables images.
Un livre, c’est comme une étoile filante, elle passe, vous en met plein les yeux, puis repart en vous laissant libre de penser à elle ou de l’oublier.
Moi, je pense à lui, à mon livre.
Mon livre est-il heureux ?
Je regarde mes mains vides et je m’imagine à sa place. Les bibliothécaires traitent bien les livres, mais je comprends qu’ils soient parfois tentés d’aller plus loin, en plus de changer de mains.
Mon livre va certainement très bien.
Où qu’il soit, s’il est parti, c’est qu’il en avait envie. Je vais donc arrêter de le chercher, il reviendra quand il voudra. Heureusement que j’avais fini de le lire.
Je regarde mes chaussettes dépareillées, qui me tiennent bien chaud aux pieds. Elles aussi, leurs copines reviendront peut-être un jour. Ou jamais, mais ce n’est pas si grave, je les remplacerai. Maman a raison, une chaussette c’est comme un livre.
Mon livre est à la fois unique et multiple.
Je peux en trouver un identique. Ou un presque pareil. Ou encore, changer totalement et essayer quelque chose de très différent. Cela restera un livre. Et le temps que je le lise, ce sera « mon » livre.
Pour l’enfant qui l’attend à la bibliothèque, je lui expliquerai, je lui raconterai. Je lui en proposerai un autre à la place, pour le faire patienter. Les livres, ce n’est pas ce qu’il manque.
J’en ai plein à la maison, il y en a à l’école, dans les boîtes à livres, à la bibliothèque, à la librairie. Les livres, ils sont partout. Partout et surtout avec nous. Même une fois qu’ils ne sont plus dans nos mains, on s’en souvient.
Mon livre se souvient peut-être de moi, lui aussi ?
Peut-être qu’il se trouve en compagnie de mes chaussettes disparues, à danser au milieu d’une rue ou chanter au sommet d’un arbre. Peut-être qu’ils sont devenus amis et qu’ils bavardent de leur petit humain qui les a portés sur ses pieds et dans ses mains.
Mon livre m’a accompagné un temps et maintenant il est parti, tout simplement.
Il ne me reste plus qu’à aller vite en choisir un autre et à le lire bien confortablement sur le canapé, chaussettes dépareillées aux pieds.

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