Le lapin de neige, en cette belle journée de printemps, était si triste que de petits glaçons tout ronds tombaient de ses yeux à intervalles réguliers. Il était si triste qu’il se demandait – tout doucement - s’il ne ferait pas mieux de sortir dehors afin d’y fondre lentement et définitivement. Le lapin de neige n’allait vraiment pas bien.
Mais pourquoi était-il triste et dépressif ? Parce que le printemps était arrivé. Le froid s’était dissipé et les nuages s’étaient enfuis, remplacés par un soleil éblouissant et d’une chaleur proprement terrifiante pour lui. Une chaleur mortelle, pour le lapin de neige qu’il était.
Car le lapin de neige n’était pas comme les autres lapins. Né dans le courant de l’hiver passé, du bout de ses longues oreilles jusqu’à sa petite queue rondelette, le lapin de neige était entièrement, totalement, complètement de neige. Et oui.
Alors, lorsque cette nouvelle saison avait pointé le bout de son nez et qu’il avait senti la morsure cruelle du soleil sur son corps, il avait bondi dans son terrier pour ne plus en ressortir. Depuis, il restait chez lui, seul et isolé, cloitré dans les profondeurs de la terre. Il lui était impossible de sortir tant que la neige, ou au moins le froid, ne reviendraient pas. Il lui était impossible de sortir tant que le soleil ne se cacherait pas.
Alors il attendait, mais jamais le soleil ne se cachait. Jamais il ne dormait. Alors le petit lapin de neige s’inquiétait. Comment allait-il faire pour survivre ? Il avait bien une provision de laitues ainsi que quelques carottes, mais cela ne tiendrait pas longtemps. Il était gourmand.
Alors il attendait, de plus en plus désespéré.
Jusqu’au jour où un petit écureuil de ses amis vint le dénicher tout au fond de son terrier, s’inquiétant de ne plus le voir, et lui demanda : et bien ? Que fais-tu ? Pourquoi ne sors-tu plus jouer avec moi ?
Le petit lapin de neige lui expliqua sa situation et l’écureuil écouta avec attention. Il n’avait pas réalisé que son ami était si fragile au soleil. Maintenant qu’il savait, il se promit de trouver une solution.
Alors il sortit du terrier et regroupa tous les animaux de son entourage. Puis ils montèrent tous au sommet de la plus haute des collines et interpelèrent le soleil, lui expliquant la situation, le suppliant de trouver une solution pour leur pauvre ami.
Le soleil, qui lui non plus n’avait pas réalisé la position précaire dans laquelle le lapin de neige se trouvait, se mit à réfléchir. Et réfléchir. Et réfléchir encore pendant de longues heures. Puis, fatigué de toute cette réflexion, il décida, au lieu de simplement fermer les yeux, d’aller se coucher dans un coin bien loin du lapin de neige.
Alors, pour la première fois, la nuit tomba ; révélant la lune, qui fut toute surprise d’être subitement seule à briller dans le ciel. Elle, dont la lumière était toujours cachée par l’éblouissant soleil, était très fière d’être si lumineuse au beau milieu de tout ce noir. Elle était si fière qu’elle osa même demander au soleil s’il ne pourrait pas faire cela tous les soirs.
Ainsi fût-il décidé que le soleil irait se cacher pour dormir, laissant place à la lune, à intervalles réguliers. Ainsi naquirent ce qu’on appelle le jour et la nuit. Et surtout, ainsi pu survivre le petit lapin de neige, que l’on pouvait désormais apercevoir gambader au milieu des champs chaque nuit.
Alors, si vous apercevez une petite créature blanche et lumineuse lors d’une belle nuit d’été, ne vous inquiétez pas, ce n’est rien, ce n’est qu’un petit lapin de neige.

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