Grignotant un petit coin de feuillage, la chenille recherchait un ombrage. Un petit coin pour tisser son cocon. Un petit coin pour se métamorphoser en un beau papillon.
S’il te plaît ! S’il te plaît !
Oh non. Le voilà qui recommençait. L’appel venait d’un ver de terre avait lequel elle avait rampé de nombreuses journées ; depuis qu’il savait qu’elle allait bientôt devenir papillon, il ne cessait de la supplier.
S’il te plaît ! S’il te plaît !
— Laisse-moi donc, j’ai besoin de tranquillité pour tisser.
— Tu ne peux pas me faire ça, tu ne peux pas me laisser tomber !
— Je serais toujours ton amie lorsque je serais papillon !
— C’est faux ! Tu seras différente !
S’il te plaît ! S’il te plaît !
Cette litanie lui était douloureuse. Son ami ne comprenait donc pas que ce n’était pas un choix ? Qu’elle n’était déjà plus chenille, mais papillon en devenir ? Elle ne pouvait plus attendre qu’il cesse de gémir.
S’il te plaît ! S’il te plaît !
L’ignorant, elle s’installa et tissa. En quelques jours à peine, elle fut proprement enfermée, prête à évoluer. Au creux de son cocon, elle n’entendait plus les lamentations. Cependant, son ami n’avait pas abandonné ses supplications, car régulièrement son cocon résonnait :
Toc-toc-toc
Elle avait déjà attendu bien trop longtemps pour tisser son cocon. Fallait-il donc qu’elle attende encore avant d’en sortir ?
Toc-toc-toc
Son corps tout entier la démangeait. Elle se sentait prête à partir explorer ce monde nouveau qui l’attendait.
Toc-toc-toc
Visiblement, son ami ne voulait pas comprendre, ne voulait pas accepter sa nouvelle vie. Tant pis pour lui, elle ne pouvait attendre plus longtemps. Elle devait sortir si elle ne voulait pas mourir.
Toc-toc-toc
Une fois sorti de son cocon, le papillon déploya ses ailes avec émotion. Libre, enfin ! À terre, son ami le ver se mit à l’invectiver au lieu de le féliciter. Alors le papillon comprit qu’il ne servait à rien de l’attendre. Et sans répondre, il se contenta de s’envoler pour ne plus l’entendre.