Mes parents exagèrent. Vouloir me faire dormir plusieurs mois d’affilée, c’est abusé. En plus, j’ai bientôt un an, pas question que je rate mon anniversaire !
Plus de nourriture ? Du froid partout qui colle aux pattes ? N’importe quoi ! Je n’y crois pas, aux fables que racontent mes parents. Tout ça, c’est juste pour qu’ils soient tranquilles sans leur casse-pied de petit ourson.
Et bien moi, je ne suis pas d’accord. C’est pour ça que je suis là, au fond de notre grotte, bras croisés, sourcils froncés, bien campé sur mon derrière, et refusant absolument de me coucher.
— Je n’ai pas envie de dormir ! je répète à nouveau.
Mes parents, évidemment, argumentent, mais je sais quoi répondre, et je ne m’en lasse pas.
— Tu es obligé, il faut bien te reposer pour pouvoir te réveiller au printemps bien fringant.
— Je fais déjà des siestes, ça me suffit largement !
— Non, mon ourson, l’hiver arrive, tu dois dormir longtemps et pas juste de temps en temps.
— L’hiver, moi, je n’y crois pas.
À ce stade-là, Papa se met à glousser sans rien ajouter, et Maman secoue la tête puis sort faire un tour pour ne pas s’énerver.
Cette nuit-là, je fais donc comme à mon habitude, une petite sieste. Et je me lève tout pimpant le lendemain matin, courant hors de la grotte sans prendre le temps ni de manger le petit déjeuner préparé par mes parents, ni écouter ce qu’ils semblent vouloir m’annoncer.
Mais à peine ai-je mis les pattes dehors que je me fige, surpris et un peu choqué. Mais quelle est cette poussière blanche qui colle à mes coussinets ? Incrédule, je regarde autour de moi : où sont passés la végétation, les insectes, les petits animaux ? C’est donc ça, la fameuse neige dont parlaient tant mes parents ? Bon, certes, elle n’est pas très chaude, mais ce n’est pas grand-chose. Et même, je savoure ce moment en me roulant dedans.
Je continue mon exploration, réalisant avec un petit pincement au cœur que mes derniers amis ne sont pas de sortie aujourd’hui. Je croise quelques oiseaux, mais à part eux, pas grand-monde. Arrivé à la rivière où j’espère prendre un petit encas, je ne la vois pas. Avant de comprendre que si, elle est bien là, mais elle est figée ! J'aperçois quelques poissons se glisser sous l’épaisse couche de glace, mais lorsque je frappe cette dernière de ma patte pour les attraper, elle ne se casse pas.
Maman arrive derrière moi pour m’aider.
— Un petit coup de patte mon petit chéri ?
Je hoche la tête. Maman brise la glace aisément. Le poisson capturé est froid, mais délicieux.
— La neige, ça signifie qu’il est vraiment temps pour nous d’hiberner mon petit ourson.
— Je ne suis pas petit et la neige ne me fait pas peur !
— Très bien, alors moi et Papa on peut te laisser te débrouiller seul ? Parce que nous, on a froid et besoin de nous reposer.
Maman et Papa veulent me laisser tout seul ? J’hésite puis déclare :
— D’accord ! Je saurai me débrouiller. Moi, je ne suis pas fatigué ! Mais je vous préviens, je vous réveille pour mon anniversaire !
Je continue alors de jouer et gambader plusieurs jours durant. La neige, c’est vraiment marrant, on peut glisser dessus, rouler, faire des bonds sans se blesser… rien à voir avec l’herbe.
Cependant, au bout de deux semaines, une tempête de neige frappe et je suis obligé de me réfugier à l’abri dans notre grotte. Papa et Maman ronflent tels des volcans en train de se réveiller. Sauf qu’eux, ils ne se réveillent pas du tout et dorment simplement très profondément.
En regardant mes poils mouillés, je frissonne et m’ébroue pour en enlever l’humidité. Puis j’attends que la glace prise dans les poils de mes coussinets fonde. C’est glacial et pas très agréable. J’avoue que c’est un peu fatigant, tout de même, ce froid et cette nourriture plus difficile à attraper. Et ennuyeux, sans ami avec qui jouer et sans parents pour discuter. J’imagine que fêter mon anniversaire sans mes amis risque également de ne pas être très drôle. Je ne suis même pas sûr de réussir à réveiller mes parents le jour venu.
Tout bien pesé, ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée, d’hiberner.