Le plombier de la tête

J'me sens patraque. Mon crâne me compresse le ciboulot, j'ai la langue pâteuse, des oreilles de sous-marin et des yeux de vache. J’regarde passer les voitures sous mon balcon, en attendant que ça passe.
Ça passe pas. Faut que j'appelle quelqu'un.
Y a du temps qui trépasse par conteneurs complets avant qu'on toque. J'ouvre, et un type en salopette bleue me repousse jusque dans mon salon avant que j'ai le temps de dire ouf. Puis il me regarde droit dans mes yeux que je cligne.
- Y a un grouage qu'est grouillé.
- Hein ?
- Faut régurgiter le plombage par la résistance.
J'ai la mâchoire qui m'en tombe. Il me la referme d'un claquement sec. Je grince des dents pour tester que tout fonctionne, mais j'ai les mots qui se butent entre eux. Il reste peu de survivants en état :
- Est-ce que j'vais peu mieux, est-ce que, heu, répable ?
- Ah non ma p'tite dame, non, z'êtes foutue.
Je mâchouille l'herbe qu'il m'a enfoncé dans le gosier en me lançant un "ça peut pas faire de mal !", puis je le regarde secouer la tête de gauche à droite. De droite à gauche.
- Dites, z'êtes sûre que c'est bien un plombier de la tête dont vous aviez besoin ? Pas un de la cervelle, de la caboche ou du ciboulot ? Non parce qu'on a beau être tous des spécialistes, à chacun son métier tout de même !
Y a une tige de verdure qui se coince en travers de ma gorge. Je frappe l'air qui me fuit les poumons de mes bras affolés. Il me regarde, puis fronce ses gros sourcils quand il croise mes yeux éperdus.
- Vous avez la gloglotte bouchée ? Non mais là ça va vraiment pas être possible ma p'tite dame. J'ai pas les outils qu'il faut pour faire un bouche bouche, fallait prévenir avant !
Il sort en claquant la porte, grommelant après les clients jamais satisfaits.
Je m’effondre, me demandant s’il va faire payer le déplacement à mes enfants.