Je n'aime pas mes piquants, mais alors, pas du tout ! Pendant que mes frères et sœurs s'extasient devant la pousse des leurs, les miens m'inquiètent beaucoup. Je préférais quand je n'en avais pas. Heureusement que maintenant qu’ils sont là je peux facilement les laisser tous plats.
Pourquoi je ne les aime pas ? Parce que je ne veux blesser personne. Des piquants, ça fait mal, et moi, je ne suis pas méchant !
Alors vous savez, mes frères et sœurs, ça les amuse beaucoup que mes piquants soient constamment tout mous et tout doux. Ça les fait rire et ils me considèrent un peu comme un bébé, alors que j'ai le même âge qu'eux. Par contre, Maman me gronde tout le temps. Elle veut absolument que j’utilise mes piquants et m'a interdit de quitter le nid tant que je ne les dresserai pas ! Alors comme ça, quand on est gentil, on n’a pas le droit de quitter son nid ? Je trouve ça vraiment injuste.
Bon, en vrai, je la comprends un peu. Mais j’y ai bien réfléchi, et je pense que de toute façon, même si on m'attaque, je n'arriverai pas à me défendre. Ça me fait mal à l'avance de m'imaginer en train de blesser quelqu'un. Vous voyez ce que je veux dire ? Alors mieux vaut que je n'apprenne pas du tout à m'en servir. À cause de ça, Maman me dit que je suis trop gentil. Mais est-ce que c’est vraiment une mauvaise chose d’être trop gentil ? Moi, je ne le crois pas.
Puis l'hiver arrive, et Maman est bien obligée de me laisser sortir. Il faut que j'apprenne à me débrouiller seul, sinon, je ne survivrai pas lorsqu’elle hibernera.
J'ai un peu peur de l'extérieur, vu que je ne m’y suis jamais aventuré. Mais Maman est à mes côtés, alors ça devrait aller. Et en effet, une fois dehors, j'oublie bien vite mon appréhension et me mets à gambader joyeusement. C'est génial ! Il y a plein de bruits nouveaux, des odeurs enivrantes, de petits insectes délicieux ! Je m’amuse vraiment beaucoup et je me régale.
Seulement, alors que je prends le chemin du retour après une nuit passée à dévorer tout ce qui me tombait sous la dent, je m'aperçois que j'ai perdu Maman.
« Maman ? »
Au même instant, juste à mes côtés, un buisson se met à bouger. Je suis terrifié ! Sans même y penser, je me retrouve tout tremblant, en boule, mes piquants bien dressés.
C'est avec de gros rires que mes frères et sœurs sortent alors en trombe du buisson en question, riant de leur blague, et surtout, heureux de voir que, malgré ce que j'ai toujours pensé, je suis tout à fait capable de me défendre, même passivement.
J'en suis très soulagé. Je n’avais pas réalisé pas à quel point cela m'effrayait, de me savoir sans défense devant le danger. J'ai toujours la ferme intention d'être gentil toute ma vie, mais je suis également rassuré de savoir que si un jour je suis attaqué, je n'hésiterai pas ! Que je me fige ou que je contre-attaque, mes piquants sont bel et bien là, prêts à l'emploi !