Il était une fois un petit loup qui s’appelait Lélé.
Lélé était le frère cadet d’une famille de cinq enfants. Il y avait : Lala, Lili, Lulu, Lolo, et enfin, le petit dernier, Lélé. Mais comme il était le plus jeune, parfois, son frère et ses sœurs se moquaient gentiment de lui.
Surtout lorsqu’il s’agissait de l’alphabet.
Parce qu’il avait beau faire tous les efforts du monde, il n’arrivait jamais à retenir toutes les lettres : elles étaient beaucoup trop nombreuses ! Les voyelles, bien sûr, ça allait, avec les noms que leurs parents leur avaient donnés. Mais les autres ? Rien à faire.
Tous les ans, le jour du Grand Rassemblement, il allait, lui et sa famille, voir l’alphabet sur la tour Eiffel. Et tous les ans, il essayait de retenir les lettres… en vain !
En réalité, il avait un peu peur de cet évènement. Lui, le Grand Rassemblement, il l’appelait intérieurement le Monstre Brouhaha.
Pendant une journée, toutes venaient se retrouver sur la tour Eiffel. Toutes les 26 lettres s’accrochaient là, sur les poutrelles, comme elles le pouvaient, dans n’importe quel sens, et en plus, dans le désordre !
Cela faisait un bruit assourdissant, car les lettres étaient très bavardes : elles formaient plein de mots, de phrases, chantaient, chuchotaient, criaient et n’arrêtaient jamais de discuter entre elles ; et parfois même avec certains visiteurs qui arrivaient à suivre.
Alors Lélé, il était un peu triste, car son frère et ses sœurs reconnaissaient bien toutes les lettres, les pointaient du doigt et les nommaient à maman et papa avec fierté. Mais lui, il essayait, bien sûr, mais elles couraient tellement dans tous les sens ! À peine retenait-il une lettre que hop ! Elle partait ailleurs.
Alors il entendait « Lélé Lélé, tu ne connais pas ton alphabet ! »
Et puis un jour, il eut une idée. Il décida d’aller chercher les lettres autour du monde pendant toute une année. C’était très très difficile. Car il y en avait vraiment dans tous les coins de la planète.
Alors il apprit à nager, pour traverser les mers et les océans.
Il apprit à escalader, pour aller les rencontrer en haut des montagnes.
Il apprit à faire du ski et des raquettes, pour aller les trouver dans les plaines enneigées.
Il apprit à être patient, car chercher une lettre dans le sable du désert, c’est chaud !
Il apprit à plonger, car l’une d’entre elles était partie discuter avec un poisson tout au fond d’une rivière.
Il apprit à voler, car il y en a une autre qui avait décidé de prendre l’air.
Il apprit à ne plus avoir peur du noir, car deux d’entre elles avaient choisi d’hiberner au fin fond d’une grotte.
Et il emprunta même une fusée à son oncle Purlububu pour aller dans l’espace, car il y en avait une qui rendait visite à la lune !
Comme ça, pendant toute l’année, il les rencontra toutes et discuta avec elles pour mieux les connaître.
Tant et si bien, que le jour du Grand Rassemblement, les lettres, lorsqu’elles l’aperçurent, se sont mises à crier :
— Lélé ! Lélé ! Comment vas-tu ? Lélé ! Lélé ! Nous sommes très contentes de te voir ici !
Lélé se rendit alors compte simultanément de deux choses :
La première, c’est qu’il n’arrivait toujours pas à retenir les lettres, car elles galopaient toujours aussi vite !
La deuxième, c’est que cela ne le dérangeait plus, et avec un grand sourire, il leur fit de joyeux signes de la main (il n’avait pas envie de crier et de rajouter au brouhaha !).
On comprit rapidement pourquoi il n’était plus triste lorsque son frère et ses sœurs lui dirent avec surprise :
— Lélé, Lélé, tu connais ton alphabet ?
Et lui de répondre en riant :
— Non ! Mais ce n’est pas grave, parce que lui, il me connaît !