Le casque magique 5 - Les nez de la mer

Chapitre 1 – Dessine-moi un requin
Je regarde avec de grands yeux les aquariums de toutes tailles, avant de rester bouche ouverte devant l’un d’entre eux et de m’exclamer :
— C’est génial tonton ! Regarde dans celui-ci ! Il y a des poissons énormes !
Ce à quoi ma sœur ricane bêtement :
— Mais on n’est pas là pour voir des poissons tout moches, avance un peu plus vite au lieu de t’arrêter devant chaque aquarium !
— Les enfants, pas de disputes ! Et nous sommes là pour profiter Solène, laisse donc Hélios prendre son temps, morigène[1] tonton sans s’arrêter pour autant.
— Ouais d’abord ! je réplique en tirant la langue à ma sœur.
— Hélios, n’en rajoute pas. Et Solène, ne sois pas si impatiente, l’aquarium ferme à 22h ce soir, alors vraiment, on a toute la journée devant nous !
Je vois Solène faire une moue un peu dégoûtée, mais je suis content que tonton ait pris ma défense. Après tout, ce n’est pas parce que nous sommes venus ici pour utiliser nos casques magiques qu’on ne doit pas apprécier également tout ce que l’on peut ressentir en tant que simple humain. Et là, avec tous ces aquariums, on en prend plein la vue !
Il faut dire qu’en plus, tonton nous a demandé de nous renseigner sur les grands requins blancs, mais on a vite compris Solène et moi que c’était impossible qu’il y en ait ici. Quelques recherches suffisent pour apprendre qu’un grand requin blanc ne peut pas vivre ni même survivre dans un aquarium. Alors le voyage en casque magique pour aujourd’hui, je n’y crois pas trop perso. Je pense que tonton voulait juste faire une sortie « normale » avec nous pour une fois et qu’il n’a pas osé nous le dire. Ou alors il pensait vraiment qu’il pouvait y avoir de grands requins blancs dans un aquarium ? Non quand même, il n’est pas aussi bête !

Hélios a raison, on ne peut pas trouver de grands requins blancs dans les aquariums, car non seulement en attraper n’est pas facile (sans blague !), mais de plus ils y meurent très rapidement.
Comme il a besoin de beaucoup d’espace pour nager, même un grand aquarium ou un grand bassin est bien trop petit pour lui. Et un requin qui ne peut pas nager se noie ! Et oui, ils n’ont pas de muscles pour aider leurs branchies à récupérer l’oxygène, ils ne peuvent donc filtrer l’oxygène nécessaire à leur survie que s’ils sont en mouvement.
De plus, c’est un prédateur qui aime chasser ses proies, alors se laisser nourrir par des humains, très peu pour eux… ils attaquent les autres occupants de l’aquarium, dépriment, et se laissent mourir de faim… triste non ?
Après plusieurs essais (et beaucoup d’argent perdu), les humains ont donc enfin compris qu’il valait mieux les laisser dans la nature, ouf !
— Tu n’y crois peut-être pas, mais moi j’y crois, me murmure alors Solène dans l’oreille, me faisant sursauter.
Hein ? Solène a des pouvoirs télépathiques sans casque magique maintenant ou quoi ?
— Tu crois à quoi ? je lui demande aussitôt, plutôt incrédule. Qu’il y a de grands requins blancs ici ?!
— Je crois au fait que nous allons bien voyager en casque magique. Regarde, tonton a un gros sac à dos, je suis absolument certaine qu’il y a nos casques dedans.
Mouais. À mon tour de faire la moue, parce que perso je n’y crois pas du tout. Même lorsque nous arrivons devant l’aquarium principal, celui avec les « requins » (mais des petits) et que tonton nous indique d’aller nous cacher dans le passage secret prévu pour que les enfants puissent observer l’aquarium sous un autre angle.
Solène me fait un clin d’œil, mais moi je me contente de râler auprès de tonton.
— Tonton, il n’y a que des petits requins ici. Et puis, même si l’aquarium est grand, ça ne va pas être très drôle, ce n’est pas comme la vraie nature. En en plus tu as parlé de grands requins blancs, pas de petits requins riquiqui…
Photo d'un requin zèbre Photo d'un requin marteau Dans les aquariums peuvent survivre toutes sortes de petits requins, comme le requin-léopard (tacheté), le requin-zèbre (qui en réalité est tacheté comme le requin-léopard en grandissant), le requin-citron (un peu jaune oui), le requin marteau (il suffit de voir sa tête pour comprendre), etc. Même s’ils sont petits, ils ont tous de super noms pas vrais ?
Bref, des requins, il y en a tout un tas, on en dénombre plus de cinq cents espèces différentes et leur taille varie du requin-chat-pygmée de 20 cm au 15-20 mètres du requin-baleine !
Je n’ose pas trop l’avouer, mais je suis super déçu. Tonton ne répond pas, se contentant de me faire un grand sourire en se baissant pour rentrer dans le petit passage prévu pour les enfants à notre suite. Puis, une fois arrivé au fond, il sort nos casques magiques ainsi qu’un paquet de feuilles blanches et des crayons.
— En effet, tu as raison Hélios, et c’est pour ça que vous n’allez pas voyager dans ces petits requins d’aquarium, mais dans de grands requins blancs en plein océan ?
J’ai beau me triturer l’esprit, je ne vois pas comment ce serait possible. Et puis pourquoi il a eu l’air de poser une question tonton ? Il n’est pas sûr de lui ou quoi ?
— Alors les enfants ? Vous ne voyez toujours pas où je veux en venir ? Prenez chacun une feuille et dessinez ! Si vous avez bien étudié les grands requins blancs comme je vous l’ai dit, vous devriez pouvoir les imaginer parfaitement. Et avec un dessin comme support, je suis à peu près sûr qu’il n’y aura pas trop de risques que vous vous retrouviez dans un autre animal à cause d’un problème de concentration.
J’avoue que ce « à peu près sûr » me fait un peu flipper. Mais voyant Solène dessiner en toute hâte, je ne me fais pas prier plus longtemps et je me lance également. Après tout, c’est Solène qui avait eu des problèmes de concentration lors de notre premier voyage[2] , pas moi.
Le requin que je dessine a l’air proprement terrifiant. Au moins cette fois-ci je n’aurais pas peur de me faire manger, parce que ce sera moi le prédateur ! Ah ah ah !
Je remarque que ma sœur fait plein de petites tâches sur son requin et je trouve ça bizarre, mais bon, je suis trop pressé, et sans même écouter les explications habituelles de tonton, je presse le bouton du casque magique dès que mon dessin est terminé.
ZAP !

[1] Morigéner = Sermonner, disputer en faisant la morale.
[2] Voir « le casque magique : Martha la chatte »

Chapitre 2 – Vieux pépé
Lorsque je reprends conscience de moi-même, je me sens tout drôle, très… je ne sais pas trop comment dire ? Pas très bien et plutôt mal à l’aise.
J’essaye de faire le point sur mon état : je suis au fond de l’eau, je nage lentement, j’ai les yeux ouverts et la bouche entrouverte. Je ne me sens absolument pas « grand prédateur des mers et des océans ». Loin de là. Je me sens seul. Vraiment très seul.
J’essaye de ne pas paniquer pour ne pas influencer mon requin, mais intérieurement, ça ne va pas. Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Je ne suis pas dans un grand requin blanc ou quoi ? C’est comme si j’étais bien dans un requin, mais un requin en peluche, enfin, pas féroce quoi je veux dire.
Oh là là ! Oh là là ! Et si tonton s’était trompé et qu’un simple dessin ne marchait pas pour utiliser les casques magiques ?
Mes yeux ne m’aident pas beaucoup, je ne vois pas très bien et il n’y a pas un chat aux alentours. Enfin, pas un poisson. Mais en plus… il n’avance pas mon hôte[3] ou quoi ? Il nage, mais sans avancer ? C’est quoi cette embrouille ?
Est-ce que j’ai atterri dans un requin vieux pépé qui ne sait même plus nager correctement ? Si c’est vraiment ça, j’aurais dû choisir un requin du Groenland ! Je sais bien que les requins sont plus vieux que les dinosaures, mais tout de même, il me semble qu’il y a quelque chose qui cloche sérieusement avec le mien.
Hélios parle du requin du Groenland, car celui-ci est connu pour vivre vraiment très longtemps, jusqu’à 400 ans et peut-être même plus longtemps.
Cela est dû à son évolution et rythme de vie ralenti par les eaux très froides dans lesquelles il vit car c'est un requin à sang froid (contrairement au grand requin blanc qui est à sang chaud).
Photo de dents de requins Aussi surprenant que celui puisse paraître, il est exact que les requins sont plus vieux que les dinosaures ! En tant qu’espèce bien sûr, pas en tant qu’individus (un grand requin blanc peut vivre entre 30 et 70 ans). Les requins existaient il y a 420 millions d’années alors que les dinosaures sont apparus il y a « seulement » 240 millions d’années. Et ont disparu depuis, alors que les requins, eux, sont toujours là !
En plus, il y a plein de preuves de cette existence antérieure, vu que les requins ont cinq à sept rangées de dents (chaque rangée à une centaine de dents) qui se renouvellent régulièrement tout au long de leur vie. Dès qu’une est cassée, une autre prend sa place. Ce qui signifie qu’ils en perdent des milliers, voire parfois des dizaines de milliers au cours de leur vie !
Du coup, trouver une dent de requin qui date de millions d’années, ce n’est pas si rare. D’autant que leurs dents sont la partie la plus solide de leur corps, vu que les requins sont formés de cartilage.
— Solène ? T’es là ?
J’ai peur, mais au moins, je ne pense pas que ma voix télépathique ait tremblé.
— Hélios ? Chouette ! On peut quand même communiquer par télépathie !
La vague de soulagement qui m’envahit me ferait presque pleurer si j’étais un humain. Ah ah. N’empêche, je suis content d’avoir entendu la voix de Solène. Mais pourquoi elle a dit « quand même » ?
— Solène, t’es où ? Tu sais, il a l’air amorphe mon grand requin, j’ai l’impression d’être dans une carcasse vide, je n’aime pas ça du tout. Brrr… ça me rassure de savoir que tu n’es pas loin.
Le silence dure juste assez longtemps pour me faire à nouveau peur.
— Alors ça, je ne sais pas si tu es dans les parages ou pas, mais en tous les cas je ne te vois pas. Et puis… il y a peu de chances qu’on soit au même endroit.
— … c’est vrai que les grands requins blancs sont généralement solitaires, j’avais oublié.
— Et en plus je ne suis pas un grand requin blanc.
Le ton naturel avec lequel Solène m’annonce cette nouvelle me laisse bouche bée (oui bon, d’accord, il avait déjà la bouche ouverte mon requin) avant que je ne réagisse.
— HEIN ?! Qu’est-ce que tu as fait encore Solène ! Tu as pensé à autre chose ? J’espère que tu n’es pas un petit poisson ou un phoque, je ne veux pas te manger moi !
— Ah ah ! Pas trop de risques, je suis un requin-baleine, je suis plus gros que toi !
Alors que j’essaye de me souvenir si les grands requins blancs attaquent parfois les requins-baleines, je repense subitement aux taches que Solène a dessinées sur son requin avant que l’on utilise le casque magique. Mais ? Non !? Elle a choisi d’aller dans un requin-baleine délibérément[4] ? Je suis brusquement très en colère.
— Mais pourquoi tu as fait ça ? C’est nul ! Pour une fois qu’on pouvait être de grands prédateurs !
Et en plus, tu ne vas pas pouvoir m’expliquer si tu ressens la même solitude que moi, je pense tristement (heureusement que Solène ne peut entendre que les paroles que je projette et pas les autres).
— Justement, me répond-elle, moi ça ne me plaisait pas d’être un grand prédateur.
— Mouais, tu ne disais pas la même chose la dernière fois. Et puis quand même, les requins-baleines, ils mangent du plancton, c’est vraiment trop nul, je grommelle, mécontent.
Photo d'un requin baleine Le requin-baleine est entièrement tacheté, c’est comme s’il y avait des reflets d’eau sur lui, c’est très beau et un bon camouflage.
Et c’est en effet l’un des rares requins à se nourrir de plancton et d’animaux microscopiques. Pas du tout le genre de requin qui ira manger un phoque ! Ils ne peuvent pas mordre, car leurs dents sont toutes petites, de seulement six à huit millimètres (en comparaison, les dents des grands requins blancs font jusqu’à 7 centimètres).
— Et alors ? J’ai le droit de changer d’avis non ? Et puis je m’en fiche, je n’avais pas envie de manger de phoques, un point c’est tout.
Je ne vois pas pourquoi, on a bien mangé des vers de terres, alors des phoques, ce n’est pas si terrible en comparaison ?
— Dis Solène, pourquoi est-ce que je me sens si seul ?
Ah zut, c’est sorti tout seul alors que je ne voulais pas lui en parler.

[3] Hôte = Personne qui reçoit quelqu’un. Donc ici, l’animal dans lequel se trouve Hélios.
[4] Délibérément = Volontairement. Solène a fait exprès d’aller dans un requin-baleine.

Chapitre 3 – Malade ou...
— Tu te sens seul ? Tu ne vas pas faire une crise juste parce que j’ai choisi un requin-baleine à la place d’un grand requin blanc quand même ?
— C’est pas ça Solène.
Ça y est, j’ai de nouveau envie de pleurer. Je ne vois vraiment pas ce que j’ai, c’est très bizarre, on dirait que je suis triste. Mais je n’ai pas de raison de l’être pourtant ?
— Ben c’est quoi alors ? Raconte au lieu de pleurer dans ton coin !
Hein ? Comment elle sait que j’ai envie de pleurer, on ne transmet pas nos émotions par télépathie pourtant ? Enfin, je n’espère pas.
— Je ne pleure pas d’abord !
— Tu as ta voix bizarre de quand tu es triste. Il est malade ton requin ou quoi ?
Ah bon ? J’ai une voix bizarre quand je suis triste ? Pff… c’est nul que Solène me connaisse aussi bien. C’est galère d’être jumeau parfois.
Et puis qu’est-ce qu’elle dit ? Mon requin, malade ?
Pile à cet instant, je ressens d’un coup la présence de mon requin. Je n’avais jamais fait attention à ça dans nos précédentes expéditions, mais là, la différence avec le vide que je ressentais avant est vraiment flagrante. Mon requin est enfin là, je ressens sa présence !
— Solène ! Ça y est ! Mon requin est là !
Photo d'un grand requin blanc — … pourquoi tu dis ça, il n’était pas là avant ? me demande Solène, visiblement interloquée.
Je n’ai plus du tout envie de pleurer, juste de faire une danse de la joie. Bien sûr je me retiens, un requin qui fait une danse de la joie, ça ferait un peu désordre dans l’océan.
— Je crois qu’il dormait, je murmure, fasciné par ma réalisation.
La vache, c’est vraiment bizarre. Je sens sa présence, il nage plus vite et remonte vers la surface, il a refermé sa bouche… bref, il est enfin réveillé et c’est génial !
Le grand requin blanc peut dormir. Il garde alors les yeux ouverts, mais son comportement est différent : Ils se mettent près du sol et face au courant. Comme ça, ils restent immobiles tout en nageant un minimum. Ils gardent aussi la bouche entrouverte pour bien s’oxygéner correctement pendant cette période de repos où ils sont moins actifs.
Ils font tout ceci de façon parfaitement inconsciente, donc ils dorment vraiment ! De la même façon que nous continuons de respirer automatiquement lorsque nous dormons, les requins, eux, se positionnent à un endroit idéal ne les mettant pas en danger et nagent automatiquement (parce que, rappelons-le, s’ils s’arrêtaient de nager, ils se noieraient).
— Tu vas mieux du coup ? C’était à cause de ça que tu étais triste ?
— J’étais pas triste, juste bizarre, c’est tout.
— Pff. Il n’y pas de honte à être triste quand on se sent seul Hélios.
C’est vrai. Mais j’ai beau le savoir, je sais aussi que papa déteste quand je pleure alors du coup je me sens souvent coupable quand j’ai envie de pleurer parce que je suis triste.
Je décide de changer le sujet de la conversation.
— Et toi Solène, tu te sens bien dans ton requin-baleine alors ?
— C’est génial ! Je n’arrête pas de manger et je suis bien contente que ça ne soit pas des phoques.
— Mais du coup tu ne connais pas bien le requin-baleine puisqu’on a surtout fait des recherches sur le grand requin blanc…
— Tu t’inquiètes pour moi mon frère préféré ? J’ai demandé à maman de me prêter son téléphone pour faire mes recherches, je n’ai pas décidé ça à la dernière minute, inutile de t’inquiéter !
Je ne m’inquiète pas. Je veux juste être sûr qu’elle ne risque rien dans son requin-baleine, c’est tout, pff. Pour qui elle me prend, pour un frère attentionné ou quoi ?
— Du coup, je reprends, le requin-baleine il a des prédateurs ou pas ?
Il arrive en effet que les grands requins blancs attaquent d’autres requins, y compris d’autres grands requins blancs et même parfois des requins-baleines. Cependant, c’est vraiment très rare, ils ont plutôt tendance à s’ignorer et s’éviter, il y a des proies plus faciles tout de même !
Oh zut ! Ça y est, je me souviens ! Je crois que le grand requin blanc s’attaque aussi aux requins-baleines puisqu’il est même capable de s’attaquer à une baleine ! Mince alors, je n’ai pas envie d’attaquer Solène moi !
— Tu as peur de m’attaquer ? Lance Solène dans ma tête, interrompant mes pensées.
— Mais comment tu fais, tu lis dans mes pensées en plus de me parler télépathiquement ou quoi ?!
— Ah ah ah ! Tu es juste trop prévisible, c’est tout ! Et puis j’ai l’impression que tu es plus inquiet pour moi que d’habitude aujourd’hui.
Ah bon je suis plus inquiet ? N’empêche qu’elle n’a pas répondu à ma question. Je pense que Solène aussi se souvient que le grand requin blanc peut attaquer les requins-baleines, même si c’est rare. Je regarde autour de moi, pas très serein[5]. A priori, pas de requin-baleine en vue. Mais bon, la vue de mon grand requin blanc, ça ne veut pas dire grand-chose ceci dit.
— En tous les cas, si jamais tu me vois, ne t’approche pas ! je précise, mal à l’aise.
Oui bon d’accord, j’avoue que je ne suis pas rassuré quand même. Moi qui pensais être tranquille en étant un grand prédateur, voilà que j’ai peur de croquer un bout de Solène ! Vraiment, pourquoi est-ce que nos aventures ne se passent jamais comme prévu ?

[5] Pas très serein = inquiet

Chapitre 4 – Le roi sans crinière
Alors que je regarde attentivement autour de moi, je remarque que ne vois toujours pas mieux qu’avant, mais par contre mon cerveau m’indique soudainement qu’il y a quelque chose qui m’intéresse dans le coin. Et comme je suis super intelligent (oui, je le suis !), je comprends immédiatement d’où vient cette information. Le fait que les requins soient capables de capter la faible électricité des êtres vivants est quelque chose que j’ai trouvé absolument extraordinaire pendant mes recherches. Et là, c’est exactement ce qu’il se passe et c’est encore plus génial que je ne l’imaginais ! Si j’étais un chat, je pense que j’aurais les moustaches qui frétilleraient.
Je me mets à nager plus vite et m’approche de la surface. Ah ah ah ! Si ça se trouve, vu le peu de profondeur de l’eau par ici, je dois avoir ma nageoire dorsale qui dépasse, comme dans les dessins animés qui veulent faire peur. J’espère que ma proie ne va pas la repérer.
Peinture d'un aileron de requin sortant de l'eau La nageoire dorsale (sur le dos du requin, appelée également "aileron"), est souvent montrée dans les films et dessins animés pour faire peur en montrant qu’un requin est présent, mais sans le montrer entièrement.
Cependant, cela n’arrive que rarement dans la réalité, car ils nagent plus profondément, et lorsqu’ils vont vers la surface, c’est tout leur dos qu’on aperçoit, pas juste cette nageoire. À la rigueur, il faut vraiment que le requin se soit égaré dans des eaux très peu profondes pour que cela arrive comme on le montre dans les films.
Oui ! Là ! Je vois quelque chose maintenant ! Est-ce que ça ne serait pas un phoque ? Trop génial si c’est bien ça ! Ouvrant grand mes mâchoires, je bondis hors de l’eau et tente d’attraper l’animal, mais alors même que j’attaque, je ne vois subitement plus rien et le loupe.
— Zut !
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? me demande aussitôt Solène, d’un ton plus intrigué qu’inquiet.
— Attends, je réessaye !
je lui réponds sans plus d’explications.
À nouveau je m’approche de l’animal qui nage désormais à toute vitesse pour tenter de s’échapper. Cependant, je suis plus rapide que lui et j’ouvre de nouveau ma gueule bien grande pour le croquer à pleines dents.
Sauf que je le loupe encore.
Les grands requins blancs ont une mâchoire très mobile, puisque cette dernière n’est pas attachée à leur crâne. Ils sont donc très flexibles lorsqu’il s’agit d’attaquer une proie.
— Non, mais c’est pas vrai ça, c’est pas un phoque cette bestiole, c’est une anguille ![6]
Je ne sais pas si Solène me répond, je suis trop occupé à essayer de capturer ce phoque qui me glisse entre les dents à chaque fois que j’essaye de l’attraper. Il faut dire aussi, j’ai les yeux qui se révulsent[7] systématiquement pile au moment où j’attaque alors bon, ce n’est pas très pratique. Je commence à me demander si je ne ferais pas mieux de prendre le contrôle de mon requin plutôt que de le laisser faire. C’est qu’il n’a vraiment pas l’air doué.
Les grands requins blancs roulent leurs yeux vers l’arrière lorsqu’ils attaquent une proie, car ils n’ont pas de membrane pour les protéger (d’autres sortes de requins ont cette membrane). En faisant ça, du cartilage apparaît, les protégeant. C’est pour cela que pendant les dernières secondes précédant l’attaque, ils sont aveugles. Ce qui a permis ici au phoque attaqué par Hélios de s’échapper à plusieurs reprises.
Pourtant, ils ne manquent pas de vitesse ! Les grands requins blancs nagent à une vitesse moyenne de 25 km/heure et lorsqu’ils attaquent, ils peuvent aller jusqu’à 50 km/heure !
Et zut ! J’ai encore raté ! Après ces quelques tentatives infructueuses, j’abandonne ma proie et repars nager vers le large, à mon grand désarroi. Je me retiens in extremis de prendre le contrôle pour réessayer encore. Mais bon, il ne faut pas rêver, je ne serais sans doute pas plus doué que lui vu que j’ai zéro expérience en tant que requin.
— C’est nul ! Ce n’est vraiment pas juste ! Je suis un super requin et je n’ai même pas réussi à croquer ce petit phoque de rien du tout !
J’entends Solène soupirer bruyamment dans ma tête.
— N’importe quoi Hélios. La dernière fois quand tu étais une grenouille[8] tu râlais parce que tu as eu peur d’être mangé et maintenant tu râles parce que tu n’arrives pas à capturer tes proies… t’es juste jamais content en fait.
— Mais j’aurais dû être le plus fort cette fois-ci !
je râle à nouveau malgré moi.
— Et bien moi je suis bien contente d’être un requin-baleine. Au fait, tu es sûr que c’était bien un phoque au moins ?
C’est quoi cette question bizarre ?
— Ben oui, qu’est-ce que tu voulais que ce soit d’autre ? Ça ressemblait à un phoque en tous les cas. Bon après c’est sûr que je n’ai pas pu l’observer de très près, vu que mes yeux ils se fermaient à chaque fois que j’attaquais. Mais je suis sûr quand même que c’était un phoque.
— Tes yeux ne se ferment pas, ils roulent dans leurs orbites pour se protéger.
— Je sais je sais ! On a lu les mêmes informations hein ?
je réponds, agacé. Et puis d’abord, tu n’as pas répondu à ma question : tu pensais que c’était quoi ?
— Ça aurait pu être un surfeur si tu n’es pas très loin d’une plage.
Image comparative d'un surfeur, une tortue et un lion des mer vue de dessous Les grands requins blancs sont daltoniens, mais sensibles à l’intensité du contraste. Si un nageur habillé de noir est entouré d’eau claire, il le verra encore mieux. Cependant, vu du dessous, un homme sur une planche de surf et un phoque, ça se ressemble. C’est pour cette raison que l’on suppose que la plupart des attaques de requins sur des hommes sont en réalité des erreurs de leur part dues à cette mauvaise vision.
C’est pour cela aussi que souvent ils mordent puis repartent lorsqu’ils se rendent compte de leur erreur, car un humain, ce n’est pas bien gras, et les requins aiment les proies bien grasses !
— Un surfeur ? Un être humain tu veux dire ? Mais ça ne va pas non ! Pourquoi tu penses à des trucs pareils ! Les attaques de requins sur des humains c’est super rare, alors il y a à peu près une chance sur plein de milliards pour que ça m’arrive alors que je suis en train d’utiliser le casque magique !
— N’empêche que ça me fait peur. C’est pour ça que je ne voulais pas être un grand requin blanc.
— Avec tout ce qu’on a lu sur ces requins, tu as encore peur d’eux ? Sérieusement Solène, tu abuses là.
— Rien que leur tête me fait peur.
Ce à quoi je ne peux pas m’empêcher de rire, me souvenant de certaines photos qu’on a vues pendant nos recherches et sur lesquelles les grands requins blancs n’étaient pas vraiment à leur avantage.
— Ben moi, ils ne me font pas peur du tout, je réponds fièrement, ce sont de super prédateurs, un peu comme les lions dans la savane, ce sont les rois des océans ! Et en plus au final, ils ne sont pas si méchants. Enfin, pas pour les humains quoi.
— Je préfère les lions. Ils ont une belle crinière au moins.
Je continue de rigoler, imaginant mon grand requin blanc avec une crinière.

[6] Hélios fait référence ici au fait que les anguilles sont réputées pour être très difficiles à attraper.
[7] Révulsent : Les yeux qui roulent dans leurs orbites, alors on ne voit plus les pupilles.
[8] Voir : « Le casque magique : Les amours »

Chapitre 5 – La belle et la bête
— Les moustiques sont de bien plus grands tueurs que les requins. Même les escargots tuent plus de gens que les requins ! Alors franchement Solène, ta peur là…
Infographie des animaux les plus mortels pour l'homme Hélios n’a pas tort, même si cela peut paraître incroyable. L’animal le plus dangereux pour l’homme est le moustique (qui peut transmettre des maladies mortelles, ce qui est terrible dans beaucoup de pays où les moustiques sont porteurs de telles maladies), avec environ 725 000 victimes par an. Et l’escargot quant à lui, fait 110 000 victimes par an.
Pas trop d’inquiétude cependant, les escargots les plus mortels sont un certain type d’escargot de mer. Malgré tout, ceux de nos jardins peuvent te transmettre des maladies, ce qui n’est tout de même pas top. Alors si tu en touches un, n’oublie pas de te laver les mains, comme après avoir touché n’importe quel animal !
Par rapport au requin, qui ne fait que 10 morts par an, l’escargot est donc 11 000 fois plus dangereux, et le moustique 72 500 fois plus dangereux. Quant à l’homme, qui est lui aussi un animal, il fait 475 000 victimes directes par an. Et il est évident que si l’on comptait les victimes indirectes ou les victimes animales, il n’y a pas photo, c’est bien l’être humain le pire prédateur sur Terre !
— Tu as bien peur des araignées.
— Mais heu !
Brrr… pourquoi elle me parle d’araignées d’un coup comme ça Solène ? C’est pas du jeu !
Alors que j’essaye de chasser de mes pensées les diverses images de ses petites bêtes à huit pattes que je ne nommerais pas, je sens que quelque chose vient d’entrer dans mon... je ne sais pas comment l’appeler. Champ de détection ? C’est marrant, mais ça me fait comme avec le phoque, et je sais qu’il y a quelque chose pas loin alors même que je ne vois encore rien. J’adore mes ampoules de Lorenzini[9], elles sont vraiment au top !
— Dis-moi Hélios, si tu as vu un phoque, c’est que tu n’étais pas trop loin d’une côte ?
— Oui, je longeais la côte pendant que je dormais… enfin que mon requin dormait.
— Je me demande si ce n’est pas toi que je vois au loin là.
— Hein ? Sérieux ? Mais ce serait dingue de se retrouver au même endroit alors qu’il y a des milliers de kilomètres d’océan !
— Même des millions, si tu parles en kilomètres carrés
, rectifie Solène.
Je l’écoute à peine, car mon esprit explose sous les possibilités : est-ce que c’est une particularité du casque magique de nous envoyer pas loin l’un de l’autre ? Est-ce que tonton avait prévu que ça se passe comme ça ? Est-ce que c’est parce que nous sommes jumeaux ?
En tous les cas, dans la réalité, mon requin est clairement en train de s’éloigner de ce qu’il vient de détecter. Ah non alors ! Si c’est vraiment Solène, je veux la voir !
Sans y réfléchir plus longtemps, j’essaye de faire reculer mon requin, mais sans y parvenir. Je l’oblige alors à se retourner pour qu’il se dirige vers la grosse forme que j’aperçois désormais au loin.
Le grand requin blanc ne peut effectivement pas reculer, mais il peut changer de direction très rapidement et est très mobile.
Oh oui, ça m’a tout l’air d’être un animal plus gros que moi ça ! Alors, ce serait vraiment le requin-baleine de Solène ?
— Hélios ? C’est toi qui t’approches comme ça ? Arrête ! Tu me fiches la trouille !
Ah, c’est vrai que je ne suis pas censé m’approcher d’elle ! Dans mon excitation, j’ai totalement oublié ce petit détail. Mais bon, ça va, je maîtrise. Je vais juste la voir un peu et après je pars !
— T’inquiètes Solène, c’est moi qui contrôle mon requin là, je ne vais pas te manger !
— T’en sais rien ! Tu avais bien envie de me manger quand tu étais un chat !
— Mais je maîtrise mieux maintenant, t’inquiètes !
— Oui je m’inquiète !
me hurle alors Solène, m’étourdissant légèrement au passage.
Comment elle arrive à m’étourdir par simple télépathie ? Elle est vraiment trop forte ma sœur. En attendant, je ralentis ma progression, d’autant plus que mon requin semble bien mécontent du fait qu’il ne contrôle plus ses mouvements. Il est de plus en plus agité.
Je suis cependant assez proche pour pouvoir admirer le splendide requin-baleine qui se trouve devant moi. Il est tout tacheté et absolument magnifique !
Photo d'un requin baleine — T’es trop belle Solène !
— Et toi t’es trop bête !
La réponse de Solène est un peu tremblante et c’est seulement à cet instant que je réalise qu’elle a vraiment, mais alors vraiment très peur.
— Mais… Solène ? Tu as si peur que ça des grands requins blancs ?
— Oui ! Espèce d’andouille !
— Ben fallait le dire ! Pourquoi tu ne me l’as pas dit pendant qu’on faisait nos recherches ? Je ne m’approche pas plus, t’inquiète pas.
— Arrête de me dire ça, tu m’énerves ! L’inquiétude, c’est comme la peur, ça ne se contrôle pas !
Je me sens un peu idiot tout d’un coup.
— Ok ok ! Te fâche pas comme ça ! Je laisse mon requin partir.
À peine je relâche mon emprise sur les mouvements de mon requin qu’il fait à nouveau demi-tour et s’éloigne sans demander son reste. Je me sens très nerveux, sans savoir si ce sont les sentiments de mon requin ou les miens. Sans doute un peu des deux. Je regrette de l’avoir forcé à s’approcher de Solène.
Certes, c’était génial de voir un requin-baleine comme ça, mais ça ne valait tout de même pas la peine de faire peur à tout le monde.
Beaucoup de personnes ont vraiment peur des requins. La mauvaise réputation des grands requins blancs vient malheureusement des films et notamment du célèbre « les dents de la mer ».
L’auteur du livre dont a été tiré le film ne s’était absolument pas renseigné sur les requins avant de l’écrire et il l’a beaucoup regretté par la suite.
[9] Ampoules de Lorenzini : Organes qui permettent aux requins de détecter les champs électromagnétiques.

Chapitre 6 – Vautour
— Ça va mieux Solène ? Je suis loin maintenant ! Je suis parti vers le large, je crois, je ne vois plus la côte et je croise plein de poissons.
— Oui, ça va.
Vu qu’elle ne me dit rien de plus, je préfère ne pas insister. Je suis plus calme maintenant, et je suis en train de nager plutôt rapidement lorsque je perçois une odeur qui m’intéresse vers ma gauche. Qu’est-ce que ça peut être ? Je n’en sais rien, mais mon requin le sait sans doute parce que je me précipite vers elle !
Chouette ! Ça veut dire que c’est sûrement une proie ! Enfin je vais pouvoir manger quelque chose comme le vrai grand prédateur que je suis !
Les grands requins blancs pourraient parfaitement être appelés les nez de la mer plutôt que les dents de la mer ! Leur centre olfactif est si développé qu’il occupe les deux tiers de leur cerveau. Ils peuvent sentir l’odeur du sang de très loin. Ce qui leur permet de suivre aisément une proie blessée même à plusieurs kilomètres.
Et de plus, il y a un léger décalage entre l’odeur qu’ils perçoivent entre leur narine gauche et la droite, ce qui signifie qu’ils savent automatiquement de quel côté vient l’odeur ! Pratique non ?
Par contre, rassurez-vous, ils sont attirés par le sang de poisson, mais le sang humain, ils s’en moquent royalement ! Encore un fait qui prouve que les requins ne considèrent vraiment pas les humains comme des proies.

— C’est moi le roi des océans ! Ah ah ah !
Le gloussement de Solène me fait réaliser que j’ai pensé à haute voix. Bon, au moins j’ai réussi à la faire rire, même si ce n’était pas exprès !
— Tu as l’air de bien t’amuser Hélios, tant mieux !
— J’ai détecté une proie ! Enfin je crois.
— Encore un phoque ?
— Non, je suis trop au large là…
Alors que je discute, j’ai rapidement atteint ma proie et ouvre grand la gueule pour le croquer à pleines dents. Puis je m’éloigne un peu avec la bouchée que j’ai prise, avant de revenir de nouveau. Je fais ça à plusieurs reprises, mais j’ai beau me creuser la tête, je ne comprends pas du tout ce que je suis en train de manger.
Ce qui est assez curieux comme sensation, je dois avouer. C’est bien plus gros qu’un phoque, ça, c’est sûr, puisque c’est plus gros que moi. Mais ça ne bouge pas, et ça ne ressemble à rien. Et en plus… pourquoi je ne ferme pas les yeux en attaquant cette proie ?
— Hélios ?
— Oui ?
— Tu ne dis plus rien ?
— J’essaye de comprendre ce que je mange, mais en fait je ne sais pas. Je crois bien que c’est une odeur de sang que j’ai senti dans l’eau depuis si loin, mais à part ça…
Alors que je suis concentré sur ma « proie » qui me paraît de plus en plus suspecte, je réalise soudain que je ne suis pas le seul à manger ! Là ! Et là ! Il y a deux autres grands requins blancs ! Oh là là !
— Solène ! Les grands requins blancs ils ne se mangent pas entre eux hein ?
J’essaye de garder une voix calme, mais j’ai du mal.
— Pourquoi tu me demandes, tu as oublié nos recherches ?
— Il y en a deux à côté de moi, alors là tout de suite maintenant je ne sais plus rien !
je hurle malgré moi, perdant mon contrôle mental.
— Tu ne risques probablement rien, pas la peine de paniquer !
Probablement ? Probablement !?
J’ai envie de fermer les yeux et d’aller me cacher dans un coin. Hou là là… finalement, c’est vrai que c’est quand même flippant de se retrouver face à face avec un grand requin blanc… alors deux, c’est encore pire !
Je suis un peu (beaucoup) en panique, mais j’arrive néanmoins à prendre bien garde à ne pas contaminer mon requin par mes émotions. Et si jamais ils étaient comme les chiens et qu’ils sentaient ma peur hein ? Il faut vraiment que j’arrête d’imaginer le pire, j’en tremble presque. C’est simple, j’ai aussi peur que lorsque j’étais une grenouille sur le point d’être avalée par un héron !
— Hélios ?
— Oui oui, je vais bien ! je réponds d’une voix pas très assurée.
— Tu m’inquiétais un peu à ne plus rien dire là…
— On est en train de manger le même repas avec les deux autres grands requins blancs. J’ai eu un petit peu peur quand je les ai vus, mais pas tant que ça, je gère !
Oui je mens, et alors ? J’ai ma fierté quand même.
— Bah alors si vous avez assez à manger pour trois, c’est sans doute une carcasse de baleine. Bon appétit !
Une carcasse ? Beurk ! J’entends Solène rigoler dans ma tête alors que moi j’ai subitement envie de vomir. C’est vrai qu’on a lu qu’ils adoraient la graisse de baleine… mais beurk quoi, la baleine elle est morte. Si j’avais voulu manger des carcasses, j’aurais dessiné un vautour !
Requin croquant dans une carcasse de baleine, yeux ouverts Les grands requins blancs ont beau être des prédateurs, ils leur arrivent de manger des carcasses de baleine. Après tout, ils adorent tout ce qui est gras, et la graisse sur une baleine, ce n’est pas ce qui manque !
Il est à noter que comme il ne s'agit pas d'une attaque, ils ne prennent pas forcément la peine de fermer leurs yeux pour ce repas.

Chapitre 7 – C'est bon les crevettes
— Moi si tu veux savoir, me lance Solène, je suis en train de me régaler avec plein de petites choses, des petits poissons, du plancton… et même des crevettes !
— Nan je ne veux pas le savoir !
je réponds, agacé.
Ce qui bien entendu la fait rire de nouveau. Jamais je ne lui avouerais que c’est vachement bon quand même, la graisse de baleine. Et oui, cette fois-ci, j’ai fait l’inverse, j’ai fait un effort pour ignorer mes émotions humaines et me rapprocher de celles de mon requin ! C’est amusant, c’est comme si je changeais de place parfois. Comme si j’étais à l’arrière d’une voiture, et quand je veux mieux voir la route, je passe devant, sur le siège à côté de papa. Rien que par la force de ma pensée. C’est vraiment top. Tonton Marty est vraiment un génie en fait (mais faut pas lui dire sinon il va prendre la grosse tête).
Une fois bien rassasié, je m’éloigne rapidement de la carcasse sans me préoccuper plus que cela de mes congénères. Quand je suis en phase avec mon requin, ils ne me font absolument pas peur ! Bon il faut dire aussi qu’il y avait assez à manger pour tout le monde, donc aucune raison de nous attaquer les uns les autres.
Il arrive que quelques grands requins blancs s’associent pour attaquer une proie plus grande qu’eux, comme une baleine. Mais cela reste assez rare. Par nature, ils sont plutôt solitaires.
Alors que je m’éloigne, je pense à Solène et me dis que j’aurais bien aimé la voir un peu plus longtemps, même de loin. Pas du tout parce que je me sens un peu seul hein ? C’est juste que c’est sacrément impressionnant et beau à voir un requin-baleine, c’est tout.
— T’es où ? Je lâche télépathiquement sans m’en rendre compte.
— Ne viens surtout pas me voir ! me répond aussitôt le cri de Solène.
La réponse me surprend un peu par sa virulence[10]. Et malgré le fait que je sache désormais à quel point elle a peur, cela me blesse un peu.
— Je suis toujours ton frère quand même hein ? je lui réponds d’une petite voix, un peu vexé.
— ET un grand requin blanc. Tu seras de nouveau mon frère à 100% quand on sera rentrés auprès de tonton ok ?
Je ne réponds rien, un peu triste.
— Pas la peine de faire la tête Hélios, ce n’est pas juste moi, c’est aussi parce que je suis en compagnie d’humains là. Tu as envie de les faire paniquer et augmenter encore plus leur peur des grands requins blancs ?
Voilà qui m’intrigue aussitôt.
— Comment ça tu es avec des humains ?
— Ben les crevettes dont je t’ai parlé, ce sont des humains qui me les donnent. C’est vachement bon.
— Ah ok. Tu es dans un de ces endroits à touristes.
— Oui apparemment. Certains essayent de me caresser même. Ils sont un peu bizarres ces touristes.
— Je les comprends, ça doit être génial de caresser un requin-baleine.
— C’est dangereux aussi bien pour eux que pour moi, alors non merci.
— N’empêche que tu manges leurs crevettes.
— Oui. C’est trop bon les crevettes. Mais n’empêche ! C’est bon, mais c’est pas bon ! Enfin, tu vois ce que je veux dire quoi.
— Je sais. C’est souvent comme ça j’ai l’impression. On a toujours très envie d’être proches des animaux sauvages, mais en interagissant comme ça avec eux, on perturbe leur fonctionnement d’animaux sauvages, ce qui n’est pas bon du tout pour leur survie.
— Oui et puis, faire ami-ami avec notre plus grande menace, ce n’est vraiment pas une bonne idée pour nous. Enfin, nous, les requins je veux dire !
Il existe effectivement certains endroits où les touristes peuvent regarder les requins-baleines de très près, car elles sont nourries. De nature pacifique, elles ne sont pas dangereuses pour les humains. Cependant, les nourrir ainsi régulièrement modifie leur comportement et certains de ces requins-baleines restent désormais toujours au même endroit, ne migrant plus pour aller se reproduire.
De plus, elles risquent d’être blessées par les bateaux remplis de touristes, et d’être stressées par ceux qui essayent de les caresser malgré que de telles caresses soient le plus souvent interdites pour le bien-être des requins-baleines.
Bref, c’est perturbant non seulement pour les requins-baleines et, mais également pour tout l’écosystème de telles activités.
Solène ne répond rien, mais je devine facilement ce qu’elle pense. Elle est 100% d’accord avec moi et triste de cette situation. Même dans les océans, ce sont les humains les plus grands dangers pour la faune sauvage.
Entre la surpêche, la pollution, et le changement climatique, et même la chasse spécifique des requins pour manger leurs ailerons (sérieusement, qui a eu cette drôle d’idée !), les requins sont en grand danger actuellement. Et pas seulement eux, toute la population des mers et des océans. Les poissons ne sont vraiment pas mieux lotis que les animaux terrestres.
Ça me met vraiment en colère de penser à tout ça.
Photos d'une pancarte indiquant que des millions de requins sont tués chaque année pour leurs ailerons Hélios a raison, les humains, une fois de plus, sont les pires prédateurs pour les requins.
Même si les données ne peuvent être qu’estimées, on estime à des dizaines de millions les requins tués chaque année par l’homme, notamment pour récupérer et manger leurs ailerons, un plat très apprécié dans certaines régions du monde, souvent par simple tradition.
— Qu’ils essayent un peu de me caresser moi, et ils vont voir un peu ! Je vais les croquer rien qu’avec ma peau !
Photo d'une reproduction des denticules de la peau du requin grossit 300 fois Ce que raconte Hélios ici est une forte exagération. Si l’on caressait un grand requin blanc, ce serait comme caresser du papier de verre, tout simplement (surtout à "rebrousse-dents" !).
S’il dit ça, c’est parce qu’il sait que leur peau est constituée de milliards de petites dents, appelées denticules. Mais bien sûr, cela ne signifie pas que les requins peuvent croquer quoi que ce soit avec !
[10] Virulence = violence

Chapitre 8 – Le squa-chais pas quoi
— Ah ah ah ! se met soudain à rire Solène dans ma tête.
— Pourquoi tu rigoles ? Je ne plaisante pas tu sais ?
Il n’y a rien de drôle là, à penser à toutes ses horreurs que font les humains ?
— Non, mais moi je m’en fiche moi que tu aies envie de les croquer avec ta peau. Je suis déjà partie après avoir bien mangé, et il y a un petit poisson qui me nettoie les dents, c’est trop drôle !
Les requins-baleines ont parfois de curieux alliés, comme certains poissons-nettoyeurs qui leur nettoient les dents (pour y récupérer parasites et tissus morts s’y trouvant), ou d’autres, comme les thons, qui poussent des bancs de poissons vers eux et s’entraident ainsi à manger.
Elle est sérieuse là, j’étais tout seul à m’attrister dans ma tête sur le sort des océans ? Et elle se fiche du fait que j’ai des dents sur la peau ? Pfff… pour une fois que mon grand requin blanc à quelque chose que son requin-baleine n’a pas, elle ne me laisse même pas en parler.
— T’es vraiment pas drôle Solène.
— Quoi ? Pourquoi tu râles encore ?
— Je ne râle pas, je m’exprime !
— Et tu ne voudrais pas t’exprimer autrement qu’en râlant par hasard ?
— C’est juste que moi aussi j’aimerais bien pouvoir m’approcher des humains comme toi.
— Hey ! C’est toi qui voulais absolument être le roi de la savane ou je ne sais pas quoi là !
— Tais-toi, tu comprends rien de toute façon.
— Après, si tu veux vraiment t’approcher d’humains, essaye plutôt de trouver des scientifiques spécialistes des requins ou des touristes en cage.
Oui, il existe également des endroits où les touristes sont « en cage » puis descendus dans des eaux infestées de requins qui sont attirés par les poissons proposés par les organisateurs.
Seulement, comme pour les requins-baleines, ce n’est pas terrible ce genre d’expérience, car cela perturbe les habitudes alimentaires des grands requins blancs.
— Non merci. Me faire retourner sur le dos ou mordre des barres de fer ça ne me fait pas très envie.
Hélios a vraiment bien étudié les grands requins blancs ! Et en effet, les scientifiques, lorsqu’ils ont besoin de les examiner, les retournent sur le dos, car ainsi les requins rentrent dans une sorte de transe et ne peuvent plus réagir.
Cette technique est d’ailleurs également parfois utilisée par les orques pour les attaquer (pour attaquer les requins, pas les scientifiques !).
— Donc, c’est bien ce que je disais, tu râles pour rien.
Je grogne intérieurement et préfère ne pas répondre. Oui je râle, et alors ? J’ai le droit non ? Pfff… Je nage je nage, mais à part ça, il n’y a rien de bien intéressant à voir ou à faire. Je n’ai même plus faim. Enfin, il y a quelque chose qui est intéressant quand même, c’est que lorsque je suis bien en phase avec mon requin, je ne me sens pas seul, mais lorsque je prends un peu de recul pour observer en tant qu’humain, je me sens très seul. C’est un peu bizarre.
J’imagine que ça doit être normal pour le grand prédateur des océans, d’être seul. Mais moi ça ne me plait pas beaucoup.
— J’ai envie de rentrer Solène.
— Hein ? Déjà ?!
— Je m’ennuie. Je me sens seul. Je n’ai même pas faim. Bref, je ne vois aucune raison pour laquelle je devrais continuer à- aïe !
J’entends Solène rire dans ma tête.
— Mais ça ne va pas de rigoler comme ça ! Il y a quelque chose qui m’a mordu !
— Et bien je ne sais pas ce qui a osé mordre Sa Majesté Hélios, mais au moins ça t’a réveillé !
Elle rigole toujours, mais pas moi. Mon requin s’est empressé d’aller raser le fond de l’océan pour se débarrasser de l’intrus qui apparemment était resté accroché ! Alors qu’il repart, je repère une espèce de tout petit poisson…
— Qu’est-ce qu’il est moche !
— Toi ? Oui t’es moche ça s’est sûr.
— Ah ah, très drôle. Le poisson qui m’a mordu, il est tout petit, mais il a une gueule toute ronde et des dents énormes !
— Un squaletet féroce ?
Photo d'un squalelet féroce tenu par une main d'homme dont on voit bien la bouche ronde et les dents Le squalelet féroce est un également un requin, mais un tout petit ! Il fait environ 40-50 cm et il a une bouche toute ronde et pleine de dents. Il n’hésite pas à s’attaquer à bien plus gros que lui et à prendre une bonne bouchée avant de repartir !
— Je ne sais pas si c’est un squa-chais pas quoi, mais féroce, ça c’est sûr ! Je crois bien qu’il m’a arraché un bout de peau… pfff… ça valait bien le coup d’être un prédateur... je n’ai mangé que de la graisse de baleine et je me suis fait croquer par un poisson…
— Du coup, c’est vrai, tu rentres auprès de tonton ? Même si je te laisse me voir encore ?
— T’es sérieuse ?
— Ben oui, t’es triste, alors bon, je n’ai pas trop le choix.
Si, elle a le choix, et elle choisit de surmonter sa peur pour me faire plaisir. Elle est trop gentille ma sœur parfois (mais faut pas lui dire).
— Je veux bien si tu peux sans avoir trop peur. Je promets que je ne m’approcherais pas de trop près ! Mais tu sais où je suis ?
— Je crois que tu es sur ma gauche.
Sur sa gauche ?

Chapitre 9 – Sauve qui peut !
Bon, si je suis sur la gauche de Solène, alors elle doit être sur ma droite. Je tourne à droite tout en continuant de nager, mais Solène m’interpelle aussitôt.
— Pourquoi tu t’éloignes Hélios ?
— Ben, tu m’as dit que j’étais à gauche, alors je vais à droite ?
— Patate, tu es dans le sens opposé ! Fais demi-tour avant d’aller sur ta droite !
Et la voilà repartie à rire. Non, mais si elle n’est pas claire non plus, hein, ce n’est pas de ma faute à moi !
— J’arrive j’arrive ! je grommelle tout en faisant demi-tour.
— Je suis en train de me réchauffer près de la surface, tu me vois ?
Le requin-baleine est un requin à sang froid et ne contrôle pas sa température corporelle. Il alterne donc la nage en eaux profondes et plus vers la surface de l’eau pour se réchauffer.
Le grand requin blanc, à l’inverse, est un animal à sang chaud et est donc capable de contrôler sa température corporelle, qui est d’environ 25-27°. Cela leur permet de chasser dans des eaux bien plus froides.
— Je ne te vois pas encore, mais je t’ai repérée. Enfin je suppose que c’est toi.
— Ça va, ton requin n’est pas trop énervé que tu prennes le contrôle ?
— Pour l’instant ça va, je n’ai pas eu besoin de trop insister.
Mais plus je me rapproche de Solène, et plus je sens que mon requin a envie de faire demi-tour. Il n’aime visiblement pas plus que ça être en sa compagnie. C’est sûr que ce n’est pas sa sœur à lui !
— Écoute, je reprends après une hésitation, je ne vais pas venir plus près, mon requin n’est pas à l’aise et toi non plus.
— Ok Hélios.
Zut, je regrette déjà de lui avoir proposé ça. En réalité, j’aurais bien aimé la voir de nouveau, elle est magnifique en requin-baleine ma sœur ! Mais bon, nous avons déjà assez perturbé nos requins comme ça, alors c’est tout de même mieux de s’arrêter ici pour les laisser tranquilles.
Et tant pis si je m’ennuie tout seul, après tout, si c’est ça, être un grand requin blanc, et bien c’et ça et puis c’est tout ! Je ne vais pas essayer de le changer juste pour me faire plaisir à moi, ça ne serait vraiment pas juste pour lui.
— Hélios ?
— Oui ?
— Pourquoi tu ne parles plus ?
— Ben pour rien, je réfléchissais juste.
— Tu vas retourner auprès de tonton alors ? Ça ne te dérange pas si je reste un peu plus longtemps ? Je m’amuse bien moi, et puis je voudrais remonter à la surface pour essayer de sauter hors de l’eau voir si j’y arrive facilement.
Moi, je l’ai fait quand j’essayais de choper le phoque et c’est vrai que c’est chouette comme sensation – même si j’étais un peu frustré sur le moment – et je comprends que Solène ait envie d’essayer elle aussi.
Photo d'une tête de phoque sortant de l'eau Alors que je suis plongé dans mes souvenirs de chasse malheureuse, une information arrive subitement à mon cerveau et mon requin fait aussitôt demi-tour pour s’éloigner à toute vitesse ! Que se passe-t-il ?
— Solène ! Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais sauve-toi de là !
— Oui, c’est déjà ce que je suis en train de faire, mais je ne comprends pas pourquoi ? Tu sais toi ?
Je ne sais pas, mais je sens bien qu’il faut que je me sauve.
— Je ne sais pas Solène, mais essaye d’aller le plus vite possible, tu es moins rapide que moi, ça me fait peur pour toi ! Je sens qu’il y a un danger là ! Mon requin est clairement en mode « sauve qui peut » !
Le truc, c’est que je ne sais absolument pas de quel danger il s’agit. Une chose est certaine, ce n’est pas un animal, parce que ça ne me fait pas la même chose que lorsque j’ai détecté le phoque ou le requin-baleine de Solène.
— Ne t’inquiète pas trop. Je suis peut-être lente, mais je suis grande, grosse, et j’ai une peau bien épaisse !
Le requin-baleine est le plus grand poisson existant. Et oui, car même si les baleines bleues sont les plus grands animaux des océans, ce sont des mammifères et pas des poissons ! La taille du requin-baleine est de quinze à vingt mètres, soit environ la taille d’un très gros car.
C’est bien plus grand que le grand requin blanc, qui lui ne fait « que » entre 4 et 6 mètres à l’âge adulte. On peut comprendre qu’il n’ait pas forcément envie de se frotter de trop près à un requin-baleine !
Le requin-baleine n’est par ailleurs pas très rapide, puisqu’il se déplace à 5km/heure. Mais d’un autre côté, vu leur taille, ils n’ont pas vraiment de prédateurs, hormis les humains.
Il est vrai également que leur peau peut aller jusqu’à dix centimètres d’épaisseur, ce qui est vraiment pas mal et peut leur éviter bien des blessures.
— Peut-être bien, mais je ne sais pas Solène, peut-être que tu devrais tout de même rentrer dans ton corps, au cas où, on ne sait jam-
BAOUM !
La puissance déflagration me pris par surprise. L’ouïe chez les grands requins blancs n’est pas leur point fort, mais alors là, ce bruit d’explosion, il n’était pas possible de le manquer ! Après le premier choc, je n’ai plus qu’une idée dans la tête :
— Solène !

Chapitre 10 – Marre de fuir
Le rire de Solène me rassure rapidement.
— Pff… je m’inquiète et toi tu rigoles encore !
— Bah quoi, tu voudrais que je pleure ? C’est juste que je trouve ça super chouette d’avoir pu observer un tel phénomène, c’est tout !
Hein ? Quel phénomène ?
— Quoi, tu n’as pas compris ? Nous étions près d’un volcan sous-marin ! Je me demandais bien tout à l’heure pourquoi en redescendant de la surface l’eau ne me paraissait pas plus froide pour autant.
— Et il a pété ? Mais c’est génial !
— Ah ah ah ! Il a explosé oui
, pouffe Solène.
Schéma d'où sont situées les ampoules de Lorenzini (un peu partout sur la tête du requin) Les ampoules de Lorenzini, présentes sur le museau du grand requin blanc et dont nous avons déjà parlé, servent à détecter les ondes électriques émises par les êtres vivants, mais pas seulement !
En effet, elles peuvent également détecter les modifications dans les ondes magnétiques terrestres. Ce qui leur permet de repérer à l’avance certaines catastrophes comme une éruption volcanique ou l’apparition d’un cyclone. Très pratique pour se sauver à temps !
Je n’ai plus du tout envie de rentrer dans mon corps tout d’un coup, tellement je suis heureux d’avoir vécu une telle expérience.
Cependant, alors que j’avais ralenti ma nage, je me retrouve soudainement à tracer dans l’eau de nouveau à toute vitesse. Ben quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe cette fois-ci ? Oh zut ! Je crois que ce sont bien des champs électriques que je capte là ! Et ils ne sont pas loin de Solène !
— Solène ? Pourquoi je suis en train de me carapater[11] là ?! Sauve-toi ! Je pense qu’on a affaire à des prédateurs cette fois-ci !
J’entends sans surprise Solène rire dans ma tête.
— Ah ah ! Ce n’est rien du tout, il y a juste deux orques qui viennent d’arriver ! Perso j’ai juste eu le temps de m’éloigner un tout petit peu qu’ils m’avaient déjà rattrapée et doublée !
— …
— Tu te sauves toujours toi ?
— Oui !!
Le requin d’Hélios a raison de se sauver devant les orques. À part l’homme, ce sont les seules véritables menaces pour les grands requins blancs. Ils ont donc tout intérêt à se sauver dès qu’ils les détectent, car un orque contre un grand requin blanc, c’est l’orque qui gagne !
Je me sauve tout en essayant désespérément de me rappeler qui nage le plus vite, les orques ou les grands requins blancs ?
— Si tu te demandes qui nage le plus vite, c’est kif-kif. Bonne chance Hélios !
— Tu lis dans ma tête ce n’est pas possible ! Et mince alors, mais je n’ai vraiment pas de chance quand même ! Bon, Solène, c’est décidé, je rentre le premier !
Je n’ai même pas le temps d’écouter sa réponse que je suis déjà de retour dans mon corps. Décidément, c’est de plus en plus facile de revenir j’ai l’impression.
— Ah Hélios ! Déjà de retour ? Alors ce voyage ? Tu étais content d’être un prédateur ? Ça devait être génial non ?
Je laisse tonton poser son milliard de questions avant de répondre tranquillement.
— Tonton, la prochaine fois, je veux être un animal qui vit en groupe, pas un solitaire. Et comme ça, tout le groupe pourra me défendre si je suis attaqué !
Tonton n’a pas le temps de répondre que j’entends de nouveau le rire de Solène. Mais pas juste dans ma tête cette fois-ci !
— Solène ! Je m’écris aussitôt, tout joyeux sans que je comprenne vraiment pourquoi.
Je la regarde cligner des yeux dans la semi-pénombre et son sourire me rassure instantanément. Puis, sans me poser de question, elle s’approche et s’assoit juste à côté de moi avant de me prendre dans ses bras.
— Je suis là Hélios. Je suis d’accord, la prochaine fois, on se débrouille pour être vraiment ensemble, ok ?
Je hoche la tête, les larmes aux yeux. Il ne me faut que trente secondes de câlin pour me sentir mieux. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est à la fois énorme et suffisant. Ces trente secondes me permettent de tranquillement déstresser et respirer à nouveau normalement.
Lorsque je m’écarte de ma sœur chérie adorée que j’aime, je vois que tonton nous regarde bizarrement et hausse les épaules. Je suis un peu gêné puis je lui explique ce que j’ai enfin compris :
— Les grands requins blancs sont des animaux solitaires tonton, mais moi pas du tout. J’ai trop l’habitude que Solène soit tout le temps avec moi !
— Tu as trop de chance de m’avoir comme sœur, avoues !
— Ouais, et même que t’es la plus belle quand t’es un requin-baleine !
— Quoi ? Et en tant qu’humaine alors ?
Solène se lève subitement pour me chatouiller et je m’échappe in extremis, riant et courant au ras du sol pour sortir de notre galerie secrète.
Tonton se met à rire également, et nous lance à haute voix :
— Du coup, je note pour la prochaine fois de vous trouver un animal qui vit en troupeau ? Si vous êtes toujours d’accord pour qu’il y ait une prochaine fois ?
Nos retentissants « OUI OUI OUI » résonnent dans la salle aux requins entre deux rires.

[11] Se carapater = S’enfuir très vite.

Crédits :
Requin zèbre : Photo de Thesupermat
Requin marteau : Photo de Takanori Nakanowatari
Dents de requins : Photo libre de droits PxHere
Requin baleine : Photo de
Paillet Jérôme
Grand requin blanc : Photo de Hermanus Backpackers
Aileron de requin : Peinture par Dawn Hudson
Surfeur, tortue et lion de mer : Image par How Stuff Works
Animaux mortels : Infographie par Visactu
Requin baleine : Photo de istolethetv
Attirés par le sang : Vidéo Dailymotion par Gentside Savoir>
Carcasse de baleine : Photo de Fallows C, Gallagher AJ, Hammerschlag N
Pancarte : Photo personnelle prise à Sea Life Val d'Europe.
Denticules : Photo personnelle prise à Sea Life Val d'Europe.
Squalelet féroce : Photo de NOAA Photo Library
Phoque : Photo de George Hodan
Volcan : Vidéo Youtube par Le Parisien>
Schéma ampoules de Lorenzini : Schéma de Chris_huh, traduction Isaac Sanolnacov

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