Le casque magique 4 - Les amours

Chapitre 1 – Histoire de grenouilles et d’amours
Enfin de retour chez tonton ! Ça fait trop longtemps qu’on n’est pas venus ! Tout ça parce qu’il était parti en voyage pour son travail. Pfff… et nos voyages en casque magique à nous alors hein ? Ils sont importants aussi !
Bref, Solène et moi, on boude un peu et il nous faut au moins une bonne dizaine de gâteaux apéro pour accorder notre pardon à notre oncle favori.
— Ah ça y est, les enfants se dérident on dirait, s’amuse papa lorsque nous décidons d’un commun accord avec Solène d’agresser tonton à coup de chatouilles dans le cou.
L’après-midi se passe bien, avec papa qui aime de nouveau son frère. Enfin je veux dire, qui ne lui fait plus la tête quoi. Il y a bien un moment de crispation (surtout de la part de papa) lorsque Martha, la chatte de tonton, fait son apparition, mais ça ne dure pas[1].
— Et c’est quoi cette histoire de grenouilles et d’amours au fait ? j’entends papa demander alors que je suis en train de jouer sous la table avec Solène, ce qui nous fait aussitôt dresser l’oreille, et même nos deux oreilles (enfin quatre, enfin, vous avez compris quoi).
— J’ai demandé à Solène si c’était parce qu’elle cherchait son nouveau prince charmant, continue papa, mais bizarrement, elle ne m’a pas répondu, ah ah ah !
Sous la table, je vois Solène lever les yeux au ciel et papa se prendre un coup de pied de la part de maman, ce qui me fait pouffer.
— Les anoures, rectifie tonton en évitant diplomatiquement[2] le sujet des princes charmants (bah oui, parce qu’en fait Solène ne veut plus qu’on lui parle d’amoureux depuis qu’elle n’aime plus Maxence), c’est parce que j’ai l’intention d’emmener les enfants à l’étang, tu sais, là où on s’était promené l’été dernier ?

Pour faire simple, on appelle souvent « grenouille » tout ce qui ressemble à un « anoure » (catégorie qui rassemble tous les amphibiens sans queue).
Quant au terme « amphibien » il signifie « double vie » car ils débutent leur vie sous forme de têtards ne pouvant vivre que dans l’eau avec leurs branchies, pour ensuite développer des poumons et vivre sur terre.
— Du coup, tu as demandé aux enfants de faire ces recherches pour trouver plus facilement des amours — enfin, des grenouilles — à observer, c’est ça ? demande papa en se frottant le mollet.
— Oui c’est à peu près ça, répond tranquillement tonton.
Avec Solène, on s’empêche mutuellement de rire. C’est bien plus que ça ! On va carrément devenir des grenouilles ! C’est trop chouette, je vais pouvoir faire des bonds énormes !
Une fois les parents partis par contre, on questionne tonton sur un point délicat :
— Au fait tonton, demande Solène, pourquoi tu nous emmènes pas tout simplement à la mare qui est juste à côté de chez toi, celle où on va d’habitude ? Il y a plein de grenouilles là-bas ! Je pensais que c’était là qu’on irait.
Photo d'une belle petite mare avec de la vase à la surface — Oui oui, moi aussi, je confirme en hochant vigoureusement la tête.
J’ai d’ailleurs centré toutes mes recherches sur les grenouilles agiles[3] de la mare. Alors bon, ce serait peut-être mieux si on allait là-bas non ?
— Ah ah ! Vous verrez bien pourquoi je préfère aller un peu plus loin ! réplique tonton avec un sourire qui ne me rassure pas.
Une fois arrivés nous pique-niquons, puis lorsque le soleil commence à se coucher et que les promeneurs ont déserté le parc qui entoure l’étang nous trouvons une cachette, exactement comme nous l’avions fait pour les poneys.
Elle est très facile à trouver, puisqu’il y a un petit bosquet au bord de l’eau qui est très touffu. Le seul problème, c’est que je ne vois pas com-
— Mais tonton, on n’arrive quasiment jamais à les voir les grenouilles ici, m’interrompt Solène. Elles se cachent toujours dans les roseaux et ne sortent que la nuit ! Il va falloir les chercher dans le noir avec le casque magique sur la tête ? Et si on n’y arrive pas ? S’inquiète-t-elle, exprimant exactement ce que j’étais en train de penser.
Ce à quoi tonton se contente de sourire et de sortir deux bocaux de son sac à dos. Contenant, l’un une grenouille, l’autre un crapaud.
Je reste bouche bée, avant de crier en même temps que ma sœur :
— Mais t’as pas le droit de faire ça tonton !
— C’est interdit tonton, les amphibiens sont protégés par la loi !
La loi en France protège beaucoup d’anoures, car la plupart sont menacés. Cependant, la grenouille verte et la grenouille rousse sont pour le moment moins protégées que les autres.
Ce qui pose problème, car elles sont difficiles à distinguer d’autres espèces plus menacées.
— Ah ah ah ! Je sais les enfants, je sais ! Mais j’ai fait très attention à ne pas leur faire de mal, et puis ce n’était que pour une journée, je les ai capturés hier soir et j’ai fait bien attention à eux.
— Mouais, je grogne. Bon, moi, je veux la grenouille.
— Ah non, c’est moi ! proteste Solène aussitôt.
J’ai comme un mauvais pressentiment.
— Heu… j’ai capturé une grenouille et un crapaud pour que vous puissiez bien voir les différences entre les deux justement… c’est pour ça qu’on est venus ici ? Bredouille tonton, surpris. Rassurez-moi, vous avez bien étudié les grenouilles ET les crapauds, comme j’avais dit à vos parents ?
Ah. Voilà mon mauvais pressentiment confirmé : le message téléphonique entre papa et tonton n’était pas très bien passé. Papa ne nous avait parlé que de grenouilles et « d’amours ».
— Sinon, reprend tonton, on peut très bien repousser l’expédition à la prochaine fois, le temps que vous fassiez des recherches plus complètes ?
Ah non, pas question ! Il ne fallait pas que tonton sache qu’on n’y connaissait rien aux crapauds !
— Moi, c’est juste que je veux être une grenouille parce que c’est un mot plus joli ! annonce alors Solène, croisant les bras.
— Ah ah ah ! N’importe quoi ! Quelle raison bidon Solène ! j’éclate de rire en face de ma sœur, même si je suis bien content qu’elle ait essayé de distraire tonton avec sa bêtise.
— Ah oui ? Et c’est quoi ta raison à toi ? me lance-t-elle avec un sourire.
Je m’arrête de rire. Zut, elle m’a bien eu !
— Ouais allez, je suis sympa, je prends le crapaud ! En plus, il est tellement plus gros que ta toute petite grenouille que c’est sûrement un mâle super costaud donc ça tombe bien.
Pourquoi Solène rigole ? Bon, allez ! De toute façon, grenouilles et crapauds c’est presque la même chose, pas vrai ? Pas la peine de m’éterniser, sinon je vais hésiter et faire ma poule mouillée. Posant rapidement le casque de tonton sur la tête, je regarde le crapaud du deuxième bocal, ignore les cafards que j’aperçois du coin de l’œil en espérant que tonton ne les laissera pas s’approcher de nous, appuie sur le bouton et…
ZAP !
Il y a bien des différences entre grenouilles et crapauds, mais pas celles qu’on pourrait penser. Dans l’esprit de la plupart des gens, le crapaud a des pustules et est plus moche que la grenouille.
C’est parfois le cas concernant les pustules il faut l’avouer, mais pas toujours.
Scientifiquement, la seule façon de distinguer grenouilles et crapauds, c’est que les crapauds ont des glandes derrière la tête, et les grenouilles, deux bourrelets sur les flancs.
L’important ce n’est donc pas de distinguer si c’est une grenouille, un crapaud, ou même une rainette, mais de bien l’observer pour déterminer son espèce précise.
[1] Voir « Le casque magique : Martha la chatte »
[2] Diplomatiquement = avec tact, en faisant attention à ce qu’on dit pour ne pas blesser ou gêner.
[3] Grenouilles agiles = espèce de grenouille qui fait de grands bonds et qui ressemble beaucoup à la grenouille rousse.

Chapitre 2 – Quelle arnaque !
Un instant après, je me retrouve dans le bocal, en train d’essayer de regarder autour de moi, sans succès. Je me sens tout engourdi, tout bizarre.
— Alors, Hélios, ça fait quoi d’être transformé en crapaud ? Ah ah ah !
— Bof. Je me sens bizarre. Tout froid et pas en super forme j’ai l’impression.
— Oui, moi aussi, mais j’imagine que c’est normal vu que tonton nous a gardés dans un bocal et que nous sommes des animaux à sang froid.

N’empêche, je n’aime pas beaucoup cette sensation. J’ai l’impression d’être sorti dehors en plein hiver avec juste un slip.
C’est normal qu’Hélios ait froid, les crapauds font partie de ces animaux qui ne peuvent pas réguler leur température. S’il fait chaud, ils sont chauds, s’il fait froid, ils sont froids.
Les scientifiques disent qu’ils sont ectothermes. De façon populaire, on utilise aussi l’expression « animaux à sang froid ».
Les anoures sont donc obligés d’hiberner en hiver. À noter que certaines grenouilles, comme les grenouilles des bois (Alaska, Amérique du Nord), sont capables de survivre en passant l’hiver littéralement congelées.
— Tonton ! s’exclame soudainement Solène après avoir poussé un petit cri de surprise.
Deux secondes après, je comprends pourquoi lorsque je perds brusquement l’équilibre et tombe sur le dos. Aïe ! Il ne pourrait y aller plus doucement tonton ? Comment il s’est débrouillé pour nous faire tomber alors qu’on a quand même quatre pattes ? Il a cru qu’on avait des ventouses au bout des orteils comme les rainettes vertes ou quoi ?
Bah oui, parce que j’ai tout de même appris des petits trucs sur d’autres anoures que les grenouilles pendant mes recherches hein ?
— Bon, ben j’ai des grenouilles dans le ventre moi ! annonce soudain Solène, ce qui me déroute un peu.
— Hein ? Quoi ? Comment ça Solène ? Tu veux dire quoi par-là ? T’es enceinte ? Mais c’est pas possible non ?
Les crapauds et grenouilles ne peuvent pas être « enceintes » puisque ce ne sont pas des mammifères. Ils pondent des œufs, mais ne portent pas leurs bébés dans leur ventre.
J’entends Solène pouffer de rire dans ma tête.
— C’est une expression patate ! Je l’ai découverte pendant mes recherches : « avoir des grenouilles dans le ventre », ça veut juste dire avoir faim !
Maintenant que Solène en parle, c’est vrai que moi aussi je meurs de faim.
— Ah ok… tu m’as fait peur. Et je ne suis pas une patate !
— En plus, je suis un mâle je crois.
Je n’ai pas le temps d’interroger ma sœur sur cette dernière info que je me retrouve subitement dans l’eau (vraiment tonton, tu pourrais prévenir !). J’en ressors aussitôt, nageant brièvement avant de remonter sur le bord à l’aide de mes pattes plutôt courtes, en marchant tranquillement. Ben quoi ? Il ne saute pas mon crapaud ? Cette arnaque ! Et moi qui étais tout content à l’idée de pouvoir faire des bonds de géant…
Bon, peu importe, je me sens bien mieux ici, à profiter des derniers rayons du soleil, que dans l’eau. Ça me réchauffe.
— Qu’est-ce que tu fais Hélios ? Reste pas sur le bord ! Viens nager, c’est super ! Et puis il y a des moustiques ou araignées d’eau qui rôdent et je peux te dire qu’ils sont-
— Délicieux ?
je la coupe dans sa description en riant. Ça me rappelle bien quand on était des hérissons ! J’ai hâte de goûter à de petits insectes moi aussi !
— C’est vrai que ça rappelle de bons souvenirs[4]
, soupire Solène. Mais n’empêche que c’est assez différent, parce que la langue de dix centimètres, c’est quelque chose quand même !
Solène a l’air de bien s’amuser, plus que moi j’ai l’impression. Car j’ai beau avoir faim moi aussi (apparemment, tonton ne nous a pas nourris), vu comment je suis engourdi et mal dans ma peau, un peu de soleil avant de manger ne pourra que me faire du bien. Par contre, il y a un truc quand même qui me paraît curieux :
— Au fait, et ta peau Solène ? Comment tu te sens dans ta peau ? Parce que moi en plus d’être engourdi j’ai aussi la peau qui me tire, c’est super bizarre.
— Tu n’as qu’à venir dans l’eau ! Moi, je me sens trop bien dans l’eau ! Ou alors, si tu sens que ton crapaud préfère rester à terre, peut-être que ta peau tire juste parce qu’elle est trop petite et que tu vas bientôt muer ?
— Muer ? Hein ? Les grenouilles ça mue comme les serpents ? Mais n’importe quoi, si c’était le cas, on verrait des peaux de grenouilles flotter partout !
— Ah ah ah ! J’imagine très bien la scène ! Mais non Hélios, quand les grenouilles muent, elles mangent leur peau discrètement, alors tu ne remarques rien.
Il est exact que les grenouilles et crapauds muent ! Et aussi étonnant que cela puisse paraître, nous ne le savons généralement pas, car ils mangent le plus souvent leur mue de façon très discrète (afin d’en récupérer les nutriments) alors qu’elle est encore sur leur dos.
Les anoures mangent leur peau ? Sérieusement ? Beurk. Moi, ça m’arrive de me ronger les ongles quand ils sont trop longs, mais manger toute ma peau ? Non merci, il n’aura qu’à attendre que je sois sorti de sa tête pour le faire mon crapaud. Non, mais.
Comme pour me rassurer sur ma décision, un truc indéterminé, mais assez gros passe à ce moment-là sous mon nez et d’un petit coup de langue, je m’empresse de l’attraper, de l’écraser sur le haut de mon palais, puis de le pousser au fond de mon gosier en fermant les yeux.
Oui oui. Parce qu’ils sont trop fort les anoures : ils mangent avec leurs yeux !

[4] Voir « Le casque magique : Les hérissons gloutons »

Chapitre 3 – Manger avec les yeux
— C’est trop marrant Solène de manger avec les yeux !
Les anoures, puisqu’ils ne peuvent pas mâcher, écrasent la nourriture sur le haut de leur palais avec leur langue. Et ensuite ils ferment et enfoncent leurs globes oculaires dans leurs orbites afin de pousser la nourriture vers le fond de leur gosier.
Pourquoi faire aussi compliqué ? Et bien tout simplement parce que leur langue est tellement collante que sinon ils n’arriveraient pas à avaler !
— Oui, moi aussi je fais pareil ! Je ferme les yeux et je les sens s’enfoncer dans leurs orbites pour pousser la nourriture de l’autre côté, c’est assez surprenant.
— Et puis, je crois que je viens de manger un cafard
, je lui annonce également, curieusement fier.
— Beurk !
— Ah ah ah ! Ce n’est pas beurk du tout, et ça me remplit bien l’estomac, c’est vraiment très agréable !
— Je plaisante, je sais bien que ce n’est pas beurk ! Je viens de manger une bestiole non identifiée perso.
C’est vrai qu’on ne voit pas grand-chose sous cette forme. J’ai deviné que je mangeais un cafard uniquement à cause de ceux que j’avais vus se promener au moment où j’appuyais sur le bouton du casque magique.
Ceci dit, c’est vrai qu’il faudrait qu’on se renseigne un peu sur les insectes avant nos expéditions. Enfin, qu’on se renseigne juste hein ? Pas qu’on aille à l’intérieur d’un insecte avec le casque magique, ce serait carrément trop dangereux.
Je fais quelques pas puis m’immobilise, attendant tranquillement que d’autres insectes passent devant moi. Les anoures, ils sont marrants, ils ne voient rien si ça ne bouge pas.
Je me demande si tonton m’observe également sans bouger. Probablement. C’est trop bizarre que je sache qu’il est là, certainement dans mon champ de vision, mais que je ne le remarque pas pour autant.
Et hop ! Je gobe[5] ce que je suppose être un moucheron, parce que c’est tout petit. Puis après quelques minutes, autre chose de long et indéterminé, un petit ver peut-être ?
En tous les cas, j’ai beau ne rien faire, je ne m’ennuie pas le moins du monde, et puis vraiment, qu’est-ce que c’est agréable de rester comme ça au soleil ! Même si je sens bien que ça ne va pas durer longtemps, vu que la nuit tombe.
Et là, il y a un truc entre la fourmi et le scarabée d’après ses dimensions. Hop ! Peu importe ce que c’est, car après tout, je ne risque rien non ? Alors je gobe !
Quelques instants plus tard, j’entends du bruit, mais un bruit que je n’arrive pas à identifier. Ce n’est pas tonton qui bouge, puisque je ne le vois toujours pas. Alors c’est quoi ?
Je vois alors s’approcher rapidement de moi quelque chose de bien plus gros qu’un cafard ! Je me fige, mon crapaud se gonflant et se dressant autant qu’il le peut pour faire peur au nouvel intrus. Puis j’entends la voix de tonton dire « va-t’en toi ! ».
Les anoures peuvent se gonfler et se faire « plus gros » pour tenter de faire peur à certains prédateurs.
C’est à moi qu’il parle comme ça ? Aucune idée, mais je préfère ne pas prendre de risques. Avec Solène, on a décidé d’être moins rigides que la dernière fois lorsqu’on utilise les casques magiques, mais ça reste compliqué de savoir quand on peut se permettre d’intervenir.
Finalement, après une série de petits bonds (oui bon, je vais aussi vite que je peux quoi), je plonge dans l’eau. Moi qui pensais faire des bonds de géant lors de cette expédition, c’est un peu raté !
Contrairement à la plupart des grenouilles, le crapaud préfère souvent marcher (ses pattes arrière sont plus courtes), sauf lorsqu’il y a un prédateur dans le coin, il peut alors faire de petits bonds, mais rien à voir avec les bonds de plusieurs mètres que peuvent faire certaines grenouilles comme les grenouilles agiles !
— Solène !
— Oui ? Qu’est-ce qu’il y a Hélios ?
J’ai juste envie de lui dire « c’est trop injuste que tu sois dans une grenouille et pas moi », mais elle risque de se moquer encore plus.
— Rien. Juste, je crois qu’heureusement que tonton était là. J’ai vu un gros truc s’approcher de moi qui faisait un barouf d’enfer ! Et puis- Oh.
— Oh quoi ?
— Bah, je crois bien que c’était un hérisson en fait.
— Ah ah ah ! Tu as eu peur d’un hérisson, c’est trop drôle !
— C’est pas drôle du tout, il aurait pu me manger !
je crie après Solène, indigné.
— Oui oui, bon, tonton était là, alors tout va bien.
Ça, c’est sûr. Mais n’empêche, elle pourrait s’inquiéter un peu plus pour moi.
Tout en grommelant sur mon insensible de sœur, je profite d’être de nouveau dans l’eau pour nager un peu histoire de voir comment ça fait. J’ai bien envie de manger encore un peu plus, mais il y a quelque chose qui me gêne. C’est bizarre, j’ai comme l’impression qu’il y a quelque chose qui me reste sur l’estomac. Quelque chose que j’ai mangé ?
Ça me brûle un peu.
Peut-être que si je me force à manger autre chose ça passera ? Tiens, justement, me voilà au milieu de plein de petites choses grouillantes, peut-être que si j’en gobe quelques-unes…
— Ah !
Je n’ai pas pu m’empêcher de pousser un cri mental.

[5] Gober = avaler sans mâcher

Chapitre 4 – Têtards et gélatine
— Hélios ?
Encore une fois, Solène n’a même pas l’air inquiète. Pfft ! Sans cœur !
— Je viens d’empêcher mon crapaud de manger des têtards ! je lui réponds néanmoins, plus surpris que choqué.
Têtard signifie « qui a une grosse tête ».
Les œufs d’anoures se transforment en têtard, puis en crapelet (petite grenouille). Cette transformation leur permet de passer d’un stade totalement aquatique à un stade semi-aquatique.
À noter également que les têtards peuvent se régénérer. S’ils perdent leur queue, ils peuvent la faire repousser (ils perdent cette capacité à l’âge adulte).
— Oh, c’est rien ça tu sais, me répond-elle. Ce n’est pas pour rien si les grenouilles en pondent des tonnes. Quelques-uns de plus ou de moins…
— Oui, mais quand même, je n’ai pas envie de manger des bébés moi…
Je suis un peu gêné tout de même. C’est vrai que j’ai lu que ça pouvait arriver, que certaines espèces d’anoures mangent des têtards et même d’autres grenouilles s’ils en ont besoin. Mais tout de même, heureusement que j’ai compris juste à temps ce que ça pouvait être. C’est que je n’ai pas envie de devenir cannibale[6] moi !
Je trouve que ce n’est vraiment pas facile d’être un crapaud. J’ai la peau qui tire, mal au ventre, fais de tout petits bonds, et en plus, je dois faire attention à rester humain dans mon crapaud si je ne veux pas être trop dégoûté une fois de retour dans mon corps.
— Solène, j’ai mal au ventre. Les crapauds, ça peut bien manger n’importe quoi ?
— Tu n’as mangé que des insectes ?
— Oui.
— Alors normalement tu ne devrais pas avoir de problème, je ne vois pas comment un insecte pourrait te faire du mal, c’est toi leur prédateur !
Moi non plus. En tous cas, je n’ai rien lu sur le sujet. Alors, je m’inquiète juste pour rien ? J’ai envie de croire Solène.
Continuant de nager pour aller plus loin et sortir enfin de ce grouillement de têtards, je me retrouve soudain au beau milieu d’une masse visqueuse et gluante.
Photo d'une grappe d'oeufs de grenouilles — Ah !
— Quoi encore ?
me demande aussitôt Solène, blasée.
Ben quoi, ce n’est pas de ma faute si mes cris mentaux m’échappent plus facilement que des cris normaux aujourd’hui !
— C’est rien, j’ai juste été surpris par la gélatine dans laquelle je suis en train de nager.
— Je sais ce que c’est ! Je sais ce que c’est !
Se met à crier Solène dans mes oreilles.
— Bah oui, moi aussi j’ai compris hein ? Pas la peine de me casser les oreilles, je grommelle.
La gélatine visqueuse avec des sortes de petits points noirs, c’est une ponte de grenouille.
Les grenouilles pondent généralement leurs œufs en « grappes » (= en tas) à la surface de l’eau, alors que les crapauds le font en « chapelets » (= en ligne), et en profondeur.
De plus, une membrane se forme autour de chaque œuf une fois en contact avec l’eau, ce qui forme une sorte de gélatine. Les œufs se retrouvent donc agglutinés entre eux, leur offrant ainsi une petite protection contre les prédateurs.
Malgré tout, il y a énormément de perte et sur une ponte (2 000 à 10 000 œufs selon les espèces), seuls deux ou trois anoures parviennent à l’âge adulte.
Il est également vrai qu’à part pour quelques espèces, les anoures ne s’occupent généralement pas de leurs bébés.
Afin de sortir du paquet gluant, je plonge dans l’eau, nageant avec une aisance et une facilité déconcertante vraiment géniale, même si je vois encore moins bien qu’à la surface.
— T’es trop lent, monsieur balourd !
Le ricanement de Solène résonne encore dans ma tête lorsque je sens des vibrations toutes proches et vois une forme disparaître au fond du lac, m’ayant dépassé à fond de train. Ah non, c’est pas juste ! Solène nage plus vite que moi !
D’une impulsion, je me propulse également vers le fond de l’eau, essayant d’apercevoir ou de ressentir Solène, mais sans succès. Je ne vois que des filaments bizarres qui ondulent, accrochés aux algues, et que je devine être des œufs.
— Waouh ! Il y en a vraiment partout des œufs, aussi bien à la surface que sous la surface ! je m’exclame avec admiration. Et ceux-là, ce sont les miens ! Enfin, ce sont des œufs de crapauds et pas de grenouilles je veux dire.
— Et il n’y a pas que ça !
lance Solène, que je ne vois toujours pas.
Mais où est-elle donc passée ?
[6] Cannibale = Qui mange un individu de sa propre espèce.

Chapitre 5 – Pas de zizi !
Nageant un peu plus vers le fond, je cherche toujours des yeux Solène, mais sans réussir à la repérer. Oh, mais si, elle est là ! Je viens de voir bouger la forme d’une grenouille. Ah non… elle est ici ! Mais…
— Solène ! Y a plein de toi ! Enfin je veux dire, il y a plein de grenouilles au fond de l’eau, c’est dingue !
— Pas mal hein ? Comme il ne fait pas encore nuit, la plupart des grenouilles sont au fond de l’étang, à se reposer.
— Et moi alors ? Mes copains crapauds, ils sont où ?
Je n’ose pas avouer que je ne suis pas certain de distinguer un crapaud d’une grenouille de toute façon. Enfin je veux dire, avec ma vue de crapaud, et en plus, sous l’eau.
— À la surface non ? Suppose Solène, tu n’as vraiment rien appris sur les crapauds ?
— Gna gna gna. Si, j’ai appris des trucs, mais pas autant que sur les grenouilles agiles. Et je sais que c’est pareil pour toi alors te moque pas ! À la surface alors ? Ok, et bien je vais sortir dans ce cas.
En vrai, ce n’est pas vraiment parce que je veux voir mes congénères[7], c’est juste que j’ai besoin de remonter à la surface. Je suis d’ailleurs soulagé de pouvoir enfin respirer un peu d’air frais une fois mon museau hors de l’eau. Détectant la rive un peu plus loin, je replonge pour nager plus vite et surtout pour éviter une nouvelle ponte. Il y a énormément de têtards également.
Cependant, alors que je continue de nager en ignorant les têtards, je vois soudain une… sauterelle peut-être ? Mais non, ce n’est pas possible, puisque je suis dans l’eau là.
Photo d'une bestiole inconnue dans l'eau En tous les cas, la sauterelle, elle gobe un têtard.
Sans réfléchir, je fonce dessus.
— Mais Hélios, qu’est-ce que tu fais ? me crie Solène.
Je la croyais toujours au fond, mais visiblement, elle a décidé de me suivre puisque son cri mental m’arrive juste au moment où je bouscule l’horrible monstre criquet qui tente de manger le pauvre bébé.
— J’empêche le monstre de manger le bébé !
— Mais vraiment tu fais n’importe quoi ! C’est pas un monstre, c’est sans doute une larve de libellule ! Et les têtards, ça fait juste partie de leur nourriture !
— Une libellule ?
je m’étonne.
— « Larve » de libellule ! Il faut vraiment que tu arrêtes de penser comme un humain Hélios. Les anoures, ils ne s’occupent pas de leurs bébés comme ça, ne les protègent pas. Et ce n’est pas parce que cette larve mange un têtard que c’est un monstre, c’est juste son repas. Tu manges bien des lapins toi !
Ce que dit Solène sur les anoures qui ne protègent pas leurs enfants est souvent vrai, mais il y a également certaines espèces qui au contraire protègent au maximum leurs œufs et leur progéniture.
Quelques exemples de ces cas particuliers :
Les mâles grenouilles de Darwin (Chili, Argentine) prennent les œufs dans leur sac vocal, et les bébés grenouilles n’en sortent (par la bouche) qu’une fois assez grandes pour bondir à l’extérieur.
Les mâles crapauds accoucheurs (France), portent les œufs sur leurs pattes arrière, puis les posent dans l’eau juste avant leur éclosion.
La femelle crapaud Pipa (Amérique du Sud), porte ses œufs sur son dos, sous une couche de peau. Ils sortiront sous forme de têtards, ou même, de petits crapauds.
En fait, il y a vraiment de grandes différences entre certaines espèces !
— Je sais je sais, je grogne.
C’est vrai que je m’en veux un peu de ma réaction, à agir comme un humain au lieu de laisser mon crapaud faire comme il en a envie. N’empêche, la prochaine fois que je croise une libellule, je la mange !
Les larves de libellules sont friandes de têtards. C’est assez curieux ! Les bébés libellules mangent les bébés anoures, mais une fois tous deux adultes, c’est l’inverse, et les anoures mangent les libellules.
— Mais au fait, je m’interroge soudain, comment tu as réussi à me suivre ? Tu me vois bien toi ?
— Bah non, mais tu es énorme par rapport aux grenouilles, tu es quasiment le seul à monter à la surface alors qu’il ne fait pas encore nuit, et enfin, parmi ceux qui sont là-haut, tu es le seul qui ne parle pas !
— Hein ? Je ne parle pas moi ? Ah bon ? Mais pourtant, les crapauds ils coassent aussi ?
— Les crapauds mâles oui, mais pas les femelles, ah ah ah ! Tu n’avais même pas remarqué que tu étais une femelle ?
Pfft. Et comment j’aurais pu remarquer ça hein ? Les grenouilles n’ont pas de zizi de toute façon !
Les anoures n’ont en effet pas de zizi (pénis). Leurs organes reproducteurs sont identiques, c’est le « cloaque », petite ouverture qui sert aussi bien pour se reproduire (expulser le sperme pour les mâles et les ovules pour les femelles) que pour évacuer les déchets (uriner, c’est-à-dire faire pipi, et déféquer, faire caca).
[7] Congénères = animaux de la même espèce. Ici, d’autres crapauds.

Chapitre 6 – Corbeau ou grenouille ?
— Mais au fait Solène, si tu es un mâle, tu peux forcément chanter toi non ? Tu me montres ?
— Tu vas voir quelque chose ?
— Au moins j’entendrais ! Mais oui, je devrais voir aussi, puisque tes sacs vocaux vont bouger quand tu vas croasser.
— Ah ah ah ! On ne dit pas « croasser » Hélios, c’est pour les corbeaux ça, les grenouilles, elles coassent, sans le « r » !
— Gna gna gna ! C’est ce que j’ai dit, t’as mal entendu !
Ok bon, je me suis trompé, mais je sais bien que c’est croa- heu… coasser qu’on dit ! Sautant sur un nénuphar, je vois Solène faire de même. Puis un énorme coassement retentit d’un bout à l’autre de l’étang tandis que devant moi, deux petits sacs vocaux se gonflent de part et d’autre de la petite grenouille.
Les anoures mâles coassent pour attirer les femelles en période de reproduction. Leurs sacs vocaux se gonflent et dégonflent rapidement.
Selon l’espèce, il peut y en avoir un seul sous la gorge, deux sur les côtés de la gorge, ou même, le sac vocal peut être interne. L’air qui passe ainsi entre les poumons et le sac vocal permet ce coassement, qui, selon les espèces, peut s’entendre jusqu’à plusieurs kilomètres.
La grenouille verte possède deux sacs vocaux et son chant est très bruyant. Le crapaud commun, par contre, n’a qu’un sac vocal interne, et son chant est donc plutôt assourdi. Les femelles, grâce à ce chant, savent si le mâle est en bonne santé et assez fort pour devenir le papa de ses futurs bébés.
Certaines grenouilles femelles peuvent également chanter, enfin, « coasser », mais ne le font que de façon exceptionnelle. Quant au crapaud commun femelle, elle est totalement muette.
— Waouh ! C’est toi qui as fait ça Solène ?
— Oui ! Super non ? J’ai lu que les grenouilles vertes faisaient partie des grenouilles qui coassaient le plus fort. Du coup, je pense que je suis une grenouille verte.
— Bah en tous les cas, dans le bocal, tu étais verte…
— Idiot, il y a plusieurs sortes de grenouilles qui peuvent être vertes, comme des rainettes et même des crapauds. Mais toi, tu es juste un crapaud femelle commun, je l’ai vu tout de suite.
Solène savait dès le début qu’Hélios était une femelle, parce que les femelles crapauds communs sont bien plus grosses que les mâles (elles font 12 à 15 cm et les mâles 8 à 10 cm).
Les grenouilles vertes, quant à elles, ne font que 5 cm environ.
Voilà que Solène se prend pour une experte. N’importe quoi. Mais alors que je m’apprête à lui demander pourquoi elle n’a pas choisi le crapaud si elle est si experte que ça, je vois une autre grenouille bondir sur le nénuphar de Solène puis coasser devant elle.
Et bien, déjà une grenouille c’est bruyant, mais alors deux, n’en parlons pas !
— Solène ? Vous faites quoi ? Vous discutez ?
— Mais… n’importe quoi Hélios, on ne papote pas, on se bat !
Photo d'une grenouille verte avec ses sacs vocaux gonflés Hein ? Je vois bien les deux grenouilles coasser et faire des bonds l’une devant l’autre, mais se battre ? Cependant, au saut suivant, la grenouille étrangère fait tomber Solène dans l’eau, où elles continuent à s’attaquer à coups de coassement et de bonds l’une sur l’autre.
Non, mais c’est quoi ça ! Ah ah ah ! Je n’en reviens pas ! Je me mets à rire sans pouvoir m’arrêter, ce qui me fait du bien et me fait oublier temporairement mon mal de ventre qui ne s’améliore pas.
— Ah ah ah ! C’est une bagarre de nounours ou quoi ? Trop drôle ! Une bagarre sans griffes ni dents, n’importe quoi !
— J’ai des dents !
hurle Solène dans mes oreilles. Et si tu continues de te moquer, je te mords !
— Hein ?
Des dents ? Mais… les grenouilles n’ont pas de dents ? Si ?
Pris d’un doute, je touche l’intérieur de ma bouche avec ma langue, tâtonnant un peu partout. Et bien non ? Je n’ai pas de dents moi ? Elle me fait une blague Solène ou quoi ? Je n’ai rien lu à ce sujet ? Et d’ailleurs, les grenouilles comme les crapauds gobent leur repas, sans le mâcher ?
Dans ma distraction, j’ai arrêté de regarder la bagarre. Et maintenant je ne sais plus quelle grenouille est Solène. Zut ! Ou alors, c’est celle qui essaye de s’enfuir là ?
— Solène ? Tu es quelle grenouille, celle qui essaye de se sauver ?
— Évidemment ! Tu crois que j’ai envie de me battre pour une femelle ? C’est de ta faute tout ça ! J’ai coassé pour que tu m’entendes et cet idiot de grenouille, il a cru que je lui faisais de la concurrence !
— Arrête de croa- heu… coasser et ne bouge plus ! je lui lance alors, pris d’une idée subite.
Heureusement, Solène m’écoute et elle s’immobilise. Enfin je suppose, parce que je n’arrive plus à la voir, je ne vois plus qu’une seule grenouille qui saute encore un peu, avant de plonger et de disparaître sous la surface. On dirait que mon idée a marché ?
Chose étonnante, il est à noter que l’autre grenouille a cessé d’attaquer Solène non pas parce qu’elle ne l’entendait plus, mais bien parce qu’elle ne la voyait plus !
En effet, des scientifiques, à l’aide de tests, ont pu prouver qu’une grenouille peut rejoindre une grenouille factice qui émet des coassements sans sac vocal. Cependant, elle lui tournera autour, ne semblant pas comprendre d’où vient le son. Alors qu’avec le gonflement de faux sacs vocaux, la grenouille attaque aussitôt la fausse grenouille.
— Solène ? Je demande prudemment, comme si je venais d’entrer dans une maison hantée et que je me demandais s’il n’y avait pas un fantôme quelque part.
— Je suis là !
Je sursaute presque à son message mental. Et je l’aperçois enfin juste devant moi parce qu’elle fait un petit bond sur place, sans doute pour m’aider à la repérer.
— Bon, c’était juste pour que tu me vois, me confirme-t-elle, parce que je n’ai pas envie de bouger là. Je ne veux pas me faire attaquer de nouveau !
— Ok ok. Mais dis-moi… c’est quoi cette histoire de dents ? Tu me faisais une blague c’est ça ? Je n’ai pas de dents moi ?


Chapitre 7 – Entre le cafard et la fourmi
— Tu n’as pas de dents non plus ? me répond Solène d’un ton surpris. Ah ah ! Les grenouilles c’est tellement mieux que les crapauds n’empêche ! Oui, j’ai des dents sur ma mâchoire supérieure, ça m’aide pour agripper mes proies.
— Pfft ! Les crapauds aussi ils sont géniaux d’abord ! Déjà, je suis beaucoup plus gros que toi !
Malheureusement, j’ai beau chercher, je ne trouve rien de plus à dire à Solène. Sa grenouille : nage mieux, peut coasser et a deux sacs vocaux, saute probablement bien plus loin… bref, dépité[8], je me contente de la critiquer :
— Et puis tes dents, je continue, elles ne sont pas si super que ça si tu ne peux ni mâcher avec, ni les utiliser pour mordre !
— C’est toujours mieux que pas de dents du tout. Et puis en plus, si j’avais des dents en bas, je risquerais de croquer mes yeux en mangeant
, me répond Solène d’un ton ferme et sans réplique.
Tiens, c’est vrai ça. C’est donc normal au final que sa grenouille ne puisse pas avoir de dents en bas.
Schéma d'une bouche de grenouille où l'on voit deux petites dents sur le haut de la bouche Cependant, une nouvelle brûlure dans l’estomac me fait stopper net mes chamailleries avec Solène.
— Solène, je crois qu’il y a vraiment quelque chose qui cloche avec mon crapaud, je me mets à gémir, ça me brûle de plus en plus !
Commençant à m’affoler (et si c’était quelque chose de vraiment grave ?), je réalise soudain que tonton pourrait peut-être m’aider. Nageant le plus rapidement possible vers le bord du lac, je monte lentement sur le rocher et…
Oh non, zut ! Je ne suis pas revenu à l’endroit où se trouve tonton ! Les rochers, ils sont sur la rive en face du bosquet où il nous a cachés !
— Hélios ? Tu vas bien ?
— Non !
Solène vient de bondir sur le rocher à côté de moi, m’ayant visiblement suivi.
Et moi je sens mon estomac se révolter et essayer de vomir quelque chose. Je ne me sens vraiment pas bien. Et puis c’est pire que vomir normalement, parce que sens que- que- beuark !
Après quelques haut-le-cœur, je recrache quelque chose d’assez gros.
— C’est quoi ça ? interroge Solène.
Moi, je ne bouge plus, je me contente d’ouvrir et fermer la bouche quelques fois en bavant, histoire d’être bien sûr qu’il n’y a plus rien là-dedans. Si j’étais dans ma peau humaine, je pense que j’en frissonnerais d’horreur.
Pendant ce temps, le « quelque chose » que j’ai vomi est en train de partir comme si de rien n’était et son allure me dit clairement quelque chose.
— Mais ? C’est un insecte que j’ai mangé tout à l’heure ça ! je m’exclame. Un truc bizarre entre le cafard et la fourmi. Oh là là, je suis bien content qu’il ne soit plus dans mon estomac, j’ai toujours mal, j’ai l’impression d’être brûlé à l’intérieur. C’est ce petit machin-là qui m’a fait ça ?
— Aucune idée. Je ne savais pas que des insectes pouvaient nous faire du mal, et encore moins qu’un insecte pouvait ressortir de notre estomac ?
— Ah ah ah ! Je me sens comme un cachalot ayant malencontreusement avalé un humain !
— Et bien ça va, tu n’as pas l’air traumatisé on dirait ?
rigole Solène à son tour.
— Un peu au début, mais maintenant ça va, je vais bien. Après tout, même s’il a réussi à me faire mal, ça reste un insecte et moi je suis son prédateur, ah ah ah !
Je suis tellement fier de moi que je ne fais pas vraiment attention à ce qu’il se passe aux alentours. Alors lorsqu’un aboiement retentit juste à côté de moi, j’ai à peine le temps de faire quelques petits bonds désespérés que me voilà brusquement soulevé du sol.
— Au secours ! Au secours ! Solène !

[8] Dépité = vexé, contrarié, bref, Hélios est vraiment déçu.

Chapitre 8 – Crapaud charmant
Je suis totalement paniqué. Et en plus, alors qu’elle est d’habitude toujours blasée, cette fois-ci, Solène ne me répond même pas.
Puis j’entends alors une voix ou plutôt, deux voix, et je réalise que ce n’est pas le chien qui m’a attrapé, mais des humains.
Et Solène ?
— Regarde ! J’ai réussi à l’attraper ! Je t’avais bien dit que les crapauds ce n’est pas si dur que ça à capturer.
— J’aurais préféré que tu prennes la grenouille, elle était plus jolie.
— Mais elle avait zéro chance de se transformer en prince charmant elle, ah ah ah !
Mais quoi ? C’est quoi ces andouilles ? D’après les voix assez aiguës, j’ai l’impression que ce sont des enfants ou de jeunes ados. Ma peur a disparu d’un seul coup pour laisser place à de la colère.
— Relâchez-moi espèces d’andouillettes humaines ! je me mets à crier, espérant malgré moi qu’ils pourraient m’entendre.
— Ce sont des humains ? j’entends chuchoter Solène dans ma tête.
— Solène ! Tu t’es planquée ?
Cela me rassure beaucoup d’entendre sa voix. Je me demandais si elle ne s’était pas faite attraper elle aussi.
— J’ai fait un bond dans l’eau, tu n’imagines même pas ! Deux ou trois mètres je crois ! Je t’avais bien dit que les grenouilles c’était mieux que les crapauds.
Gna gna gna. Comme si c’était le moment de se moquer ! Gigotant dans tous les sens, j’essaye de faire lâcher prise à la main qui me tient, mais sans succès.
— C’est pas drôle Solène ! Dis-leur de me lâcher !
— Et je fais ça comment ? Ce n’est pas comme s’ils nous entendaient !
J’ai beau rager, je remarque tout de même que plus je gigote et plus ils serrent. Prudent, je m’immobilise net et je pense alors à un détail qui m’affole subitement :
— Il ne faut pas qu’ils m’embrassent ! je crie soudainement à l’attention de Solène, restant néanmoins prudemment immobile.
— Ah ah ah ! Peur de te transformer en prince ? Ou plutôt, en princesse ?
Mais comment elle peut rire de la situation ? Elle ne comprend pas ?
— Mais rigole pas bêtement comme ça Solène ! C’est venimeux un crapaud !
Bon, j’avoue que je viens seulement de m’en souvenir. Solène n’a pas le temps de me répondre que les humains se remettent à parler.
— Angélique ? Il ne bouge plus ton crapaud ! Tu l’as tué en le serrant trop fort !
— N’importe quoi. Il fait sans doute juste le mort.
C’est un peu ça oui. Je suis mort de peur. Mais même pas pour moi cette fois, pour eux ! Prenant bien garde à ne pas bouger d’un orteil, j’attends patiemment, écoutant les deux humains qui se disputent pour savoir que faire.
Au moins, ils avaient perdu l’envie de m’embrasser visiblement.
— On le donne à Lucky ?
— Il mange des crapauds ton chien ?
Photo d'une tête de chien Hein ? Quoi ? Oh non, ils veulent me donner à manger au chien, c’est encore pire ! Aussi bien pour lui que pour moi d’ailleurs. Je sens la panique monter de nouveau en moi à l’idée d’être peut-être dévoré dans quelques instants.
— Je ne sais pas, mais il a l’air d’avoir envie de jouer avec, et puisqu’il est mort…
— Il est peut-être juste déshydraté, je vais le remettre dans l’eau pour qu’il boive.
N’importe quoi, les anoures ne boivent pas ! Mais bon, peu importe, je continue à faire le mort, mais dès que je touche l’eau, je plonge illico et nage de toutes mes forces, m’éloignant des humains autant que je le peux avant de remonter à la surface pour me poser (et reposer) sur un nénuphar.
Hélios a raison, les anoures ne « boivent » pas.
En effet, la peau des anoures, très perméable, leur permet aussi bien de boire que de respirer.
Et oui, dans l’eau, s’ils respiraient par le nez (en utilisant leurs poumons), ils se noieraient ! Dans l’eau, ils respirent donc uniquement grâce à leur peau très fine qui peut laisser passer l’oxygène de l’eau directement jusqu’à leurs vaisseaux sanguins.
Quant à la boisson, ils ne boivent tout simplement jamais, se contentant d’absorber l’eau dont ils ont besoin par la peau.
Quelle trouille j’ai eu ! Ils sont fous les humains, vraiment ! Comme si ça ne suffisait pas qu’ils détruisent les habitats des crapauds, les écrasent avec leurs voitures, mangent leurs cuisses, les dissèquent dans les laboratoires, il faut aussi qu’ils soient traités n’importe comment dans les contes !
Bon d’accord, pour ce dernier élément, dans la réalité, c’est l’humain qui risque plus gros que le crapaud, mais quand même, quelle drôle d’idée d’avoir inventé de telles histoires.
Hélios a bien raison de râler :
- Les français sont bien connus à l’étranger en tant que « mangeurs de grenouilles ». À tel point qu'ils sont parfois appelés « froggies » (frog = grenouille) par les Anglais. Heureusement, même s’il est vrai que les français consomment des cuisses de grenouilles, cela reste très rare, et la plupart des jeunes générations n’en ont jamais consommé.
- Les grenouilles, tout comme les souris, sont toujours utilisées par les laboratoires. Par exemple, leurs hormones thyroïdiennes fonctionnant comme celles des humains, les grenouilles sont utilisées pour les expériences permettant une meilleure compréhension des perturbateurs endocriniens, auxquels ces dernières sont particulièrement sensibles.
- Les routes sont pour les grenouilles, comme pour beaucoup de petits animaux, mortelles. Surtout lors des périodes de migrations (lorsque les anoures sortent de leur hibernation pour aller dans les mares afin de s’y reproduire). Pour y pallier, certaines routes peu fréquentées peuvent être fermées durant ces périodes. Ou alors, concernant des routes avec plus de passage, des crapauducs peuvent être installés (petit tunnel passant sous la route). À d’autres endroits, des bénévoles récupèrent les grenouilles matin et soir afin de les aider à traverser la route. Bravo à eux !
— Hélios ?
La voix de Solène dans ma tête est toute tremblante. Enfin elle s’inquiète ! J’ai bien envie de ne rien répondre pour lui faire un peu peur, mais finalement, je ne le fais pas, ce serait trop méchant.
— Je vais bien Solène, ils m’ont remis à l’eau.
— Et bien tu vois, ils n’étaient pas si méchants que ça !
Après un instant d’hésitation, je préfère ne pas expliquer à Solène qu’ils m’ont remis à l’eau parce qu’ils ont cru que j’étais mort.
Mais au fait, j’y pense, il y a donc un point sur lequel mon crapaud bat grenouille-Solène à plate couture !

Chapitre 9 – La saison des anoures
Je suis très fier de ma réalisation et je m’en vante[9] auprès de Solène, me mettant à chantonner mentalement (j’ai fait de sacrés progrès au niveau de mes intonations mentales !) :
— Les crapauds sont les meilleurs ♬♫♪ Les crapauds sont venimeux ♬♫♪ Les crapauds sont plus féroces que les grenouilles ♬♫♪ Yeah !
Je suis assez fier de ma petite chanson.
Et oui, les crapauds produisent tous du venin. Les pustules présentes sur leurs corps servent non seulement à les hydrater, mais également à se défendre contre certains prédateurs.
Pas d’inquiétude, le contact avec la peau n’est pas dangereux (on peut les prendre dans les mains), mais le contact avec les muqueuses[12] l’est (il faut se laver les mains après et ne surtout pas les embrasser).
Chaque année, des chiens imprudents se font empoisonner par des crapauds. Si cela arrive à votre animal de compagnie, enlevez-lui le crapaud de la bouche, nettoyez-lui immédiatement la gueule avec de l’eau et contactez votre vétérinaire pour d’autres conseils.
— Et bla et bla et bla. Sache que « la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe », réplique Solène, d’un ton ferme, mais cependant grognon.
— Félicitations, tu connais au moins quelques expressions, madame « la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf »[10], mais qui ne savait même pas que les crapauds étaient venimeux, je réponds à mon tour, ne voulant pas lui laisser le dernier mot.
N’empêche, finalement, je ne suis pas mécontent d’avoir accepté de faire un tour dans ce crapaud. Mon crapaud a beau être muet, il sait se défendre !
— Pardon Hélios.
Hein ? Solène reconnaît qu’elle a exagéré en disant sans arrêt que les grenouilles sont mieux que les crapauds ?
— Pardon de te faire tomber ! Ah ah ah !
Grenouille-Solène vient de sauter sur mon nénuphar et de me bousculer, me faisant tomber à l’eau.
Zut ! Elle m’a bien eu ! Alors que j’essaye de faire comme elle et de la repérer, je réalise qu’il y a beaucoup plus de grenouilles qu’il y a quelques minutes. La nuit est en train de tomber, elles remontent toutes à la surface pour coasser.
Quel tintamarre !
Et quel bazar aussi. Sérieusement, toutes les grenouilles et les crapauds se pressent et grimpent les uns sur les autres… c’est fou ça. Je pensais que la saison des amours était terminée avec tous les têtards que j’ai croisés, mais visiblement, ce n’est pas tout à fait le cas.
En réalité, la « saison des amours » dure le plus souvent tout l’été (d’avril en août), bien que pour la plupart des espèces, la période la plus active (bruyante pour nous autres, humains !) soit surtout en avril et mai.
Grenouilles, crapauds, ou même rainettes, les anoures préfèrent s’accoupler dans l’eau. D’où le fait que tous se réunissent à la nuit tombée dans les mares, même chez les espèces préférant vivre à terre pendant la journée.
Et ils chantent alors toute la nuit !
Préférant m’éloigner, je nage à la surface de l’eau, ne laissant que mes yeux sortir, comme un crocodile. Ah ah ah ! Je peux faire le crocodile !
Tiens, je me demande si on pourrait essayer d’utiliser le casque magique sur un crocodile un jour ?
Bref. Finalement, je préfère nager comme ça, je vois quand même bien mieux à la surface que sous l’eau. Et puis, je préfère. Et même si je sens que mon crapaud retournerait bien sur le bord du lac, moi je ne veux pas, entre les hérissons et les humains accompagnés de leur chien, ça ne me fait pas vraiment envie.
— Hélios ? Je ne te vois plus !
— Ah ? Bah moi non plus, mais bon, je n’essaye pas de toute façon.
— Je crois que je vais retourner dans mon corps Hélios, ma grenouille n’arrête pas de se faire sauter dessus et je sens bien qu’elle a envie de sauter sur les autres aussi. Je suis super mal à l’aise. En plus, j’ai envie de coasser.
— Bah rentre alors. Moi aussi je ne vais pas tarder, dès que- Hé !
— Quoi ?
— Il y a une grenouille qui m’a poussé ! C’est toi encore ?
— Mais non ! Allez, moi je rentre Hélios, à tout de suite.
Oh, mais non, ce n’est pas une grenouille en fait, c’est un crapaud ! Enfin je vois un autre crapaud comme moi ! Enfin, presque comme moi : l’énorme coassement et gonflement du sac vocal sur ledit crapaud me fait réaliser qu’il n’est pas vraiment comme moi, mais que c’est un mâle.
Alors que le crapaud bondit à nouveau vers moi, quelque chose apparaît dans mon champ de vision et le saisit. Plus de crapaud.
Je me fige de terreur et j’ai à peine de temps de réaliser ce qu’il se passe que la créature ayant gobé mon prétendant[11] s’apprête à me manger à mon tour.

[9] Se vanter = Exagérer nos qualités ou quelque chose que l’on fait bien.
[10] Cette expression signifie que Solène se vante. Cela vient du fait que certains anoures se « gonflent » pour paraître plus gros et costauds et faire ainsi fuir les prédateurs.
[11] Prétendant = Homme qui souhaite épouser une femme. Ici, Hélios parle du crapaud qui voulait lui sauter dessus !
[12] Muqueuse = Membrane recouvrant certains organes. L’intérieur de la bouche est recouverte d’une muqueuse.

Chapitre 10 – Ma sœur préférée
— Hélios ? Hé ! Hélios !
Tiens, Solène semble inquiète.
— Mon grand ? Tu nous réponds ?
Et tonton aussi est inquiet ?
J’ai beau les entendre tous les deux, c’est seulement une fois que Solène me met une grande claque que je réagis.
— Aieuh ! Mais ça va pas non ! je rugis en me tenant la joue.
— C’est toi qui ne vas pas ! Pourquoi tu ne répondais pas ?
— Ben parce que-
Je ne termine pas ma phrase, réalisant enfin que non seulement je suis retourné dans mon corps alors que j’allais me faire manger, mais qu’en plus je suis resté pendant de longues secondes les yeux ouverts sans oser bouger d’un poil.
Je rougis et bafouille que je suis fatigué. Je ne vais tout de même pas leur dire que je ne bougeais pas pour ne pas me faire manger par un monstre inconnu pas vrai ?
Tiens, au fait, le monstre ?
Me redressant, je regarde en direction du lac, ne voyant rien du tout.
Photo d'un héron cendré debout les pieds dans l'eau d'un lac — Si tu t’inquiètes pour le héron, je lui ai fait peur pour qu’il s’envole. J’ai bien fait ou pas ? me demande ma sœur adorée que j’aime d’amour.
Me relevant enfin de ma position allongée, je la serre dans mes bras avec une émotion difficilement contenue. Après tout, si je n’étais pas retourné dans mon corps, elle m’aurait sauvé la vie en faisant ça ! Et elle avait en tous les cas sauvé la vie de mon crapaud !
— Tu vas bien Hélios ? me demande tonton, semblant soucieux de mes réactions bizarres.
— Oui oui tonton. Tout va très bien, je vous aime tous les deux, vous êtes absolument formidables ! je m’écrie, retenant mes larmes de soulagement.
Tonton me regarde curieusement, mais n’insiste pas. Oui bon, j’ai eu la trouille de ma vie, alors c’est normal que je me sente un peu perturbé, pas vrai ?
— Et donc, Hélios, Solène, ce voyage en casque magique ?
— Ben… je commence, avant de m’arrêter.
— En fait… reprend Solène, avant de s’arrêter également.
J’ai eu peur, froid, la peau qui tire, mal au ventre, peur encore, j’ai été attrapé par des humains, j’ai eu peur encore… heu… si j’explique tout ça à tonton, est-ce qu’il nous autorisera à réutiliser les casques magiques ?
Je vois Solène frissonner comme si elle se souvenait d’une expérience désagréable. Visiblement, malgré son sang froid (oui d’accord, mauvais jeu de mots), elle non plus n’avait pas trouvé ça top comme aventure. Puis elle décide de parler d’un détail que j’avais totalement zappé :
— Au fait tonton, demande-t-elle, Hélios a mangé un insecte, mais il a été obligé de le vomir après, tu sais ce que ça pouvait être ?
— Vraiment ?
— Ah oui c’est vrai ! Oui tonton, il me faisait quelque chose, et ça me faisait mal au ventre, ça me brûlait de l’intérieur quelque chose de terrible !
— Un bombardier peut-être ?
— C’est quoi ça ?
— Un insecte qui pète des produits chimiques.
Je reste bouche bée et pose automatiquement mes mains sur mon ventre, tandis que Solène explose de rire.
— Ouais, ben la prochaine fois, on va dans un animal qui n’est pas insectivore hein ? Je grogne, assez mécontent de cette nouvelle.
— Je vote pour ! s’exclame Solène.
— Un gros truc ! je poursuis, histoire de bien faire comprendre à tonton que j’en avais un peu ras la casquette des petits animaux sans arrêt en danger.
Certes, c’est super intéressant, mais j’ai vraiment eu peur et pas qu’une seule fois !
— Si je comprends bien, nous demande alors lentement tonton, vous ne vous êtes pas beaucoup amusés cette fois-ci ?
Les cris que nous poussons alors firent rire tonton, qui accepta de nous croire et nous promis de choisir un gros prédateur la prochaine fois.
Ouf ! Nous allions pouvoir continuer nos aventures ! Oh là là, j’avais hâte de savoir ce que tonton allait nous choisir pour notre prochaine aventure !

Chapitre bonus
En bonus, ci-dessous en vidéo l'expérience montrant clairement un crapaud recrachant un bombardier. Petit mais costaud le bombardier !

Photo mare : Photo personnelle
Vidéo grenouille qui mue : Vidéo par Bert the Frog sur Youtube
Photo oeufs de grenouilles : Photo de Marlens Guilhem Vellut sur Flickr
Photo larve de libellule : Photo de PJeganathan sur Wikimedia Commons
Photo grenouille avec sac vocaux gonflés : Photo de Dinkum sur Wikimedia Commons
Schéma de la bouche d'une grenouille : Schéma de la bouche d'une grenouille en provenance de Dictionnaire Visuel - Copyright © 2005-2016 - Tous droits réservés.
Photo bombardier : Photo de Peter Halasz sur Wikimedia Commons
Photo chien : Photo de Gzen92 sur Wikimedia Commons
Croassements : Son de mcmikai sur freesound
Vidéo crapaud recrachant un bombardier : Vidéo par LeMonde sur Youtube

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