Le casque magique 3 - Hérissons gloutons

Chapitre 1 – Apéro croquettes
— Chut ! je lance à ma sœur, agacé par le bruit de son piétinement.
— Mais j’ai rien dit ! proteste-t-elle à voix haute, indignée.
— Peut-être, mais tu fais du bruit ! Et chuchote quand tu râles !
— Je râle parce que t’es un idiot et tu racontes n’importe quoi ! Arrête de me parler ! me chuchote-t-elle en retour.
— Les enfants, enfin, doucement, vous allez finir par vraiment lui faire peur, se met à chuchoter à son tour tonton.
— C’est de ta faute tonton si on est impatients, on a été obligés d’attendre toute la journée avant que tu nous autorises à utiliser nos casques !
— « vos » casques ?
Après avoir haussé un sourcil amusé à mon appropriation[1] de son invention (ben quoi, il les a fabriqués pour nous !), tonton se contente de rire de mon air irrité. À côté de moi, ma sœur Solène n’est pas plus calme, elle sautille d’un pied sur l’autre comme si elle avait envie d’aller faire pipi.
Photo d'une tête de hérisson sur une terrasse avec quelques croquettes devant lui Ce que nous regardons ainsi plus avidement que notre dessin animé préféré ? Un hérisson. Un joli petit hérisson. Enfin, pas si petit que ça d’ailleurs, c’est certainement un adulte. On ne le voit pas très bien parce qu’il fait presque nuit, mais suffisamment pour être tous les deux scotchés à la fenêtre malgré la fraîcheur de la vitre.
— J’en connais deux qui vont me nettoyer mes vitres demain, murmure tonton.
Je me recule un bref instant d’un air coupable, mais ce n’est juste pas possible, et je me recolle aussitôt mains et visage sur la vitre, en grommelant « oui, ben on verra ça demain » à tonton Marty.
J’ai trop hâte de pouvoir devenir un hérisson ! Et c’est trop dur d’attendre !
En tous cas, cette fois-ci, on ne fera pas les mêmes erreurs que la dernière fois. Ma sœur et moi, après nous être renseignés à fond sur les hérissons cet après-midi, nous nous sommes aussi promis juré craché (même si c’est un peu beurk) de les laisser agir comme si on n’était pas là. De « rester en arrière », comme j’avais réussi à le faire la dernière fois pour que Pâquerette saute son obstacle correctement, sans mon influence[2].
En gros, on deviendra les hérissons, mais on ne s’imposera pas à leur conscience. Ce qui me paraît plutôt raisonnable. Avec un peu de chance, comme ça, il n’arrivera aucune catastrophe ni à nous ni aux hérissons.
Et en attendant, on attend.
— Bon alors, il arrive quand ce deuxième hérisson ? Tu es sûr qu’il y en a deux, tonton ? Je m’impatiente.
— Et même plus que ça ! Une fois, j’en ai vu trois sur ma terrasse !
— Trois ? Waouh ! Mais je croyais que les hérissons étaient solitaires ? intervient Solène avant que j’ai le temps de le faire (moi aussi je le savais non mais !).

Bien qu’ils ne vivent pas en groupe, les hérissons ne sont pas pour autant très territoriaux. Ils ont un territoire, mais pas exclusif (= ils le partagent avec d’autres hérissons). Chaque hérisson se promène où il veut.
La seule « règle » qu’ils respectent, c’est celle de rester à quelques mètres des autres hérissons qu’ils croisent. Enfin… sauf si de la nourriture trop bonne est en jeu !
— Ils sont peut-être solitaires, mais ils sont également très gourmands, répond tonton sans se tourner vers nous, tout aussi fasciné par l’animal. Regarde celui-là comme il se gave des croquettes de Martha, on dirait mon neveu et ma nièce préférés sur les gâteaux apéro, glousse tonton. Vous savez, d’habitude j’enlève vite les croquettes le soir, afin qu’ils mangent les limaces du potager plutôt, mais aujourd’hui, je les laisse en manger pour que vous puissiez les voir.
— Et leur sauter dessus ! Enfin, je veux dire, utiliser les casques sur eux quoi…
— Ouais, et celui-là, puisqu’il est gourmand, ce sera le tien Hélios ! me lance ma sœur, taquine.
Je hausse les épaules.
— Pfff… Ce n’était pas moi qui étais gourmand la dernière fois, c’était Pâquerette je te signale1. Et c’est pas moi non plus qui ai terminé toute la boîte de Smarties que nous a donné tonton en une seule bouchée hein ?
— Ça compte pas, c’était des mini-Smarties, ils sont vraiment trop petits, si je les mange un par un, on sent pas le goût !
— Hélios, Solène, arrêtez de vous chamailler et regardez !
Dehors, un deuxième hérisson est en train de traverser la terrasse en courant, ayant visiblement pour objectif la gamelle de croquettes.
Puis il pousse l’autre hérisson qui a encore le museau dedans.
— Oh ! Il le pousse ! C’est pas gentil ! Je m’exclame, surpris par la scène.
— Bah c’est rien Hélios, c’est parce que c’est au tour de mon hérisson de manger, c’est tout !
Je n’ai pas le temps de protester que je vois le hérisson qui m’a été attribué partir sans demander son reste.
— Ah, mais non, ne te sauve pas !
Sans réfléchir, en voyant mon hérisson détaler, j’ouvre la porte-fenêtre en grand et me précipite dehors, trébuchant sur le rebord et manquant de m’étaler sur le deuxième hérisson.
— Attention ! s’écrie Solène, heureusement que tu n’es pas tombé sur lui, tu l’aurais étalé comme une crêpe !
— J’aurais surtout eu six mille piquants dans le bide, mais merci de penser à moi aussi, hein ?
Selon leur âge et leur taille, les hérissons possèdent entre 4000 et 8000 piquants sur leur dos.
Au passage, ce qu’on appelle « piquants » sont en réalité des poils très durs en kératine (comme nos ongles) de deux à trois centimètres, et ils sont creux.
Regardant rapidement autour de moi, je remarque à mon grand soulagement que les deux hérissons se sont figés lorsque je suis sorti comme un mammouth laineux se prenant les pieds dans ses poils.
— Tonton, vite, mon casque avant qu’il s’enfuît encore !
J’entends tonton grommeler quelque chose qui ressemble à « ton casque que moi j’ai fabriqué, hein, ce serait bien de ne pas l’oublier », mais bon, peu importe, je n’écoute pas vraiment, j’ai trop peur que mon hérisson, qui s’est immobilisé mais pas mis en boule, ne se sauve dès qu’il réalisera que je ne suis pas un danger pour lui.
— Voilà vos casques !
Je me précipite pour le mettre, mais tonton les éloigne hors de notre portée en levant les bras.
— Holà Hélios, Solène, vous pensez faire quoi là ? Vous allez les poser sur vos têtes, transférer votre conscience dans les hérissons, et ensuite ? Vous comptez sur moi pour attraper vos corps afin de vous éviter de tomber par terre et de casser mes casques ?
— Mais tonton… nous protestons mollement dans un bel ensemble.
— Y a pas de « mais », vous allez vous chercher de quoi vous couvrir et une chaise, et seulement après vous pourrez mettre le casque.
Oh là là, on voit bien que tonton est un adulte, il pense trop à tout !
En grognant, je cours à l’intérieur, non sans lancer avant :
— Je note que tu t’inquiètes de la chute de tes casques tonton, et pas de la nôtre !
Solène et moi on enfile à toute vitesse notre veste et on attrape chacun une chaise pliante avant de s’élancer de nouveau à l’extérieur, nous asseyant encore plus rapidement que si on était en plein jeu de chaises musicales.
Enfin, tonton nous donne nos casques (oui, ce sont peut-être les siens, mais ce sont aussi les nôtres, na !) et je regarde résolument mon hérisson avant d’appuyer fermement sur le bouton situé sur le côté du casque.
J’ai juste le temps d’espérer brièvement que Solène a bien compris que j’allais dans le hérisson arrivé le premier.
— ZAP !
[1] Appropriation = Dire que quelque chose est à nous alors que ce n’est pas le cas.
[2] Voir « Le casque magique : les écuries »

Chapitre 2 – Drôle de manège
Ma première impression est un peu bizarre. Je ne vois vraiment pas bien, c’est tout flou et sans couleurs. Bref, ce n’est pas terrible.
Les hérissons ne voient pas seulement flou et en noir et blanc. A priori, ils ne voient pas non plus en 3D, donc ont beaucoup de mal avec les obstacles. Si vous le posez sur une table, il ne réalisera pas forcément qu’elle est en hauteur et risquera de tomber sans le vouloir.
De même, ils auront tendance à passer par-dessus les obstacles plutôt que de les contourner. Heureusement, ce sont d’excellents grimpeurs ! Ils peuvent même grimper sur un tronc d’arbre si une petite bête qui les intéresse se trouve dessus…
— Hélios ? J’entends ma sœur chuchoter.
— Solène ? Comment tu fais pour chuchoter télépathiquement ? Et au fait, tu es bien dans le deuxième hérisson, hein ?
— Bah oui, évidemment, vu que j’avais dit que tu prenais le premier, sinon, ça ferait un peu trop de monde dans une seule tête ! Et je chuchote pour ne pas faire peur à mon hérisson.
— Je ne crois pas qu’ils nous « entendent ». Mais comment tu fais ?
— Moi je pense qu’il vaut mieux chuchoter au cas où. Peut-être qu’il y a des animaux qui communiquent par télépathie et on ne le sait pas. Alors bon, mieux vaut faire attention.
Je me demande si elle fait exprès de ne pas répondre à ma question ou si elle oublie juste parce qu’elle répond à autre chose. Moi, je ne sais pas encore chuchoter dans ma tête, et je ne comprends vraiment pas comment elle fait, mais je n’ai pas vraiment envie de lui poser la question une troisième fois.
Rien à voir avec le fait qu’on soit en train de détaler à toute allure. Ou alors juste un petit peu. Il faut avouer que c’est assez surprenant. Si j’avais un siège, je m’agripperais dessus très fort.
Lorsqu’on a décidé de rester « en retrait » des consciences des animaux lors de l’utilisation de nos casques magiques, je n’avais pas vraiment réfléchi à l’impression que cela pourrait nous donner.
— Oh là là, ça court vite un hérisson ! Je finis par avouer.
— Tu as peur ?
— Non, mais ça fait quand même bizarre de rester « en arrière » comme ça. De ne pas chercher à contrôler le hérisson… j’ai l’impression d’être dans un manège, sauf que le manège n’est pas sur des rails et que j’ai aucune idée d’où on va.
— Ben dit donc, la peur te rend poétique Hélios !
— Pff… n’importe quoi.
J’ai envie de hausser les épaules, mais le hérisson court toujours droit devant lui, alors j’ai peur de l’influencer sans le vouloir et de provoquer un accident. Je me retiens donc de bouger le moindre muscle.
Photo d'un vieux muret de pierre Puis d’un coup, je le vois foncer sur un mur !
Entre le jardin de la voisine et celui de tonton, il y a un vieux mur de pierre en train de s’effondrer au fur et à mesure des années, et mon hérisson fonce droit dessus.
Je panique un peu, j’avoue.
— Solène ? On peut vraiment pas intervenir ?
Zut, je n’arrive pas à chuchoter télépathiquement, mais j’arrive à avoir la voix tremblante, c’est quoi cette arnaque ?
— On a dit que non ! Pourquoi, tu es où, tu fais quoi ? C’est un peu bizarre de ne pas pouvoir se voir.
Je n’ai pas le temps de lui répondre qu’on est déjà sur le mur, moi et le hérisson.
Et je n’ai ressenti aucun choc.
J’ai envie de fermer les yeux de trouille, mais j’arrive in extremis à me retenir. Je n’ai pas ressenti de choc parce qu’on est tout simplement en train de grimper au mur ! Mon hérisson escalade le mur de pierres !
— Hélios ? Tu m’as entendue ? T’es où ?
— Sur un mur ! Oh là là, Solène, les hérissons peuvent grimper aux murs ? Je n’ai pas lu ça pendant nos recherches sur internet !
— Ça ne me dit rien non plus… sur le mur ? T’es sûr ?
— Ahhhh !
Cette fois-ci, j’ai fermé les yeux. Ou alors c’est le hérisson qui les a fermés ? Je ne sais pas, mais je ne vois plus rien !
Il me faut un peu de temps pour réaliser que je suis en boule, mes piquants bien hérissés. Je n’ai même pas eu mal en tombant au sol ! C’est super !
— Solène ! Mon hérisson s’est mis en boule et s’est laissé tomber du haut du mur !
À une époque, certains pensaient que les hérissons étaient fructivores, qu'ils montaient en haut des arbres pour en secouer les fruits et se laissaient tomber dessus pour les embrocher sur leur dos et les rapporter à leurs petits, comme en témoigne cette miniature du 13ème siècle.
Dessin où l'on voit des hérissons à terre, avec des fruits plantés sur leur dos
— Oh là là, sacré casse-cou !
— Et tu aurais vu un peu comment il a grimpé là-haut super facilement ! Je suis très impressionné. J’avais lu qu’ils avaient de bonnes griffes et pouvaient creuser pour passer sous une clôture, mais je n’aurais jamais été imaginer qu’il pouvait aussi escalader un mur ! Et toi Solène, il fait quoi ton hérisson ?
— Moi, pour l’instant, il renifle et suit une odeur, mais je ne sais pas ce que… oh ! ça alors ! C’est trop mignon !

Chapitre 3 – Choupissons
— Quoi ? Quoi ? Quoi ? Solène ! C’est quoi qui est trop mignon ?
— Oh pardon ! Je n’ai pas fait attention que tu me parlais, je regardais les bébés. Ils sont trop trop mignons !
— Les bébés ? Tu es où ?
— Ben, dans son nid ! Le nid du hérisson ! Enfin, ce qui lui sert de nid, je veux dire, même si on sait maintenant que les hérissons sont de bons grimpeurs, ce n’est pas pour autant qu’ils font leur nid dans les arbres hein ?
— Oui, évidemment que je le sais ça !
je réponds, un peu agacé. Ils font leurs nids avec des feuilles mortes et des petits branchages, dans des coins tranquilles. Mais tu es à quel endroit ?
— Je ne suis pas trop sûre… je n’ai pas tout suivi quand mon hérisson s’est sauvé. Enfin, ma hérissonne du coup, puisque je suis en train d’allaiter les bébés.
— J’aimerais trop les voir, moi aussi…
Photo d'un choupisson mignon dans la nature — Tu sais bien que tu ne pourrais pas, même si tu savais où je suis… on a dit qu’on laissait les hérissons décider tout seuls où ils allaient. En plus, si ça se trouve, ton hérisson n’est pas le papa des bébés, il pourrait leur faire du mal !
— Mais non, les papas hérissons ne s’occupent pas du tout des petits, mais ils ne leur feraient pas de mal quand même… enfin je ne crois pas ? Tu me mets le doute ! Et oui, je sais que je ne peux pas venir : je dois rester passif et suivre mon hérisson à moi, bêtement et sans intervenir. Pfff, quelle galère.
— C’est quoi le problème Hélios ? Tu ne vas pas me dire que tu t’ennuies ?
— Mais non…
Je suis juste jaloux de ne pas pouvoir admirer les petits. Mais ça, je ne vais pas l’avouer à ma sœur. Je me contente donc de lui poser des questions, histoire au moins de pouvoir les imaginer :
— Alors ? Ils sont comment les bébés ? Ils ont quel âge ? Ils sont combien ?
— Il y en a cinq, ils sont tout minuscules avec des piquants blancs et quelques bruns. Je ne sais pas quel âge ça veut dire.
Les bébés hérissons naissent sans piquants, tout nus. Les piquants — enfin, les poils — poussent au bout de trois jours, d’abord blancs, puis se colorant.
Ils sont allaités entre un et deux mois par la maman. Ils peuvent commencer à sortir du nid vers un mois, lorsque leurs piquants sont bruns.
— Ça veut dire qu’ils ont moins d’un mois et qu’ils ne peuvent pas quitter le nid encore… Dis, tu pourras essayer de mieux te repérer au retour ? Que je puisse aller les voir quand on sera retournés dans nos vrais corps ?
— D’accord ! Je peux faire ça ! Par contre, il faudra dire à tonton de laisser quand même des croquettes pour les hérissons plus régulièrement, parce que qu’est-ce que j’ai faim ! Je crois que les petits me prennent une bonne partie de ce que je mange en buvant mon lait.
— Le pire, c’est qu’il commence à faire froid, elle a intérêt de vite s’engraisser pour pouvoir passer l’hiver ta hérissonne ! Et j’espère que les bébés auront le temps de grossir avant d’hiberner… c’est pas gagné.
Il y a des hérissons qui meurent l’hiver parce qu’ils n’ont pas assez mangé avant d’hiberner, des hérissonnes qui meurent après avoir allaité leurs bébés, trop épuisées d’avoir tout donné aux petits, et des petits hérissons qui naissent trop tard dans l’année pour être assez gros pour survivre l’hiver. C’est terrible.
On a bien fait de se renseigner sur les habitudes des hérissons avant d’utiliser les casques, on en apprend beaucoup. On pourra expliquer à tonton qu’il peut laisser des croquettes pour chat au poulet avant et après l’hiver. Et une gamelle d’eau, surtout l’été lorsqu’il fait chaud !
— Ils portent vraiment bien leur nom je trouve.
— Hein ? Quoi ?
— Les choupissons !
Le terme de « choupisson » a été inventé en 2009, et est depuis popularisé un maximum, surtout sur internet. Avec l’espoir qu’un jour, il apparaîtra enfin dans les dictionnaires classiques.
Le terme « hérissonneau » est aussi utilisé. Mais il n’est pas plus officiel que choupisson.
— Ah oui, c’est vrai, j’avais oublié ! On n’a pas appris ça quand on était plus petits parce que ce n’est pas vraiment officiel encore, mais ça va venir, j’en suis sûr. C’est trop génial d’appeler les bébés hérissons des choupissons.
— Oh, elle part ! Elle a déjà terminé d’allaiter apparemment. C’est bizarre. Si ça se trouve, elle n’a pas assez mangé pour produire assez de lait. Je vais essayer de me repérer, mais ce n’est pas gagné, je ne vois pas grand-chose.
J’espère vraiment que Solène va réussir à retenir le chemin pour retrouver le nid une fois qu’on sera retournés dans nos corps !
Quant à moi, je suis resté tellement concentré sur notre communication télépathique que je n’ai pas fait du tout attention à ce que mon propre hérisson était en train de faire : Il est en train de… oh quelle horreur ! Beurk !

Chapitre 4 – Miam !
J’ai un mouvement de recul malgré moi et je fais tous les efforts du monde pour me retenir d’intervenir dans le repas que mon hérisson trouve visiblement très appétissant.
— Beurk beurk beurk.
— Hélios ? Pourquoi tu dis beurk ?
— Je préfère ne pas te le dire, tu serais trop dégoûtée.
— C’est quelque chose que ton hérisson mange ?
— Oui !
— Alors tu as raison, je ne veux pas le savoir ! Ma hérissonne vient d’entendre un ver de terre sous ses pattes, du coup moi aussi je vais bientôt être écœurée. Je crois qu’on aurait mieux fait de prendre le repas du soir un peu plus tôt avec tonton, je ne sais pas si on aura beaucoup d’appétit après.
Je n’ose pas lui dire que ce que mon hérisson mange est encore pire qu’un ver de terre : Il déguste une petite souris. Solène s’étant malencontreusement téléportée dans la peau d’une souris lors de notre première utilisation du casque magique[3], ce serait un coup à lui faire faire des cauchemars !
Les hérissons sont principalement insectivores (ils mangent des insectes : mouches, limaces, escargots, araignées…), mais pas seulement, puisqu’ils ont tendance à manger tout ce qui leur tombe sous la patte.
Ils sont donc en réalité omnivores, capables de manger aussi bien des petites souris, que des carottes, des noix, ou… des croquettes pour chat !
Par contre, comme beaucoup d’animaux, attention à ne leur donner ni lait, ni pain, ça les rendrait très malades.
D’ailleurs, j’espère que tonton ne se trompe pas et que les hérissons de son jardin n’ont pas de prédateurs dans les parages. Je n’ose pas imaginer me retrouver face à face avec un renard. À tous les coups, je paniquerais et serais incapable de revenir dans mon vrai corps.
Ce qui me fais penser... j’ai été tellement rapidement dans le hérisson que je n’ai même pas fait vraiment attention aux odeurs et autres détails qui m’entouraient avant d’utiliser mon casque ! J’espère que je n’aurais pas de problème pour le retour.
Photo d'un ver de terre dans la nature — Ça y est, je suis en train de manger le ver de terre. Et bien, ça creuse super bien un hérisson, je comprends mieux à quoi servent leurs griffes. Et puis, il n’est pas si mauvais que ça, ce ver de terre…
— Ah ! Tu aimes bien ! Je le devine au ton de ta voix !
— Je n’ai pas de ton de voix puisqu’on communique par télépathie, patate !
— Faux ! Ta voix télépathique elle est vraiment comme une vraie voix, tu arrives à faire passer plein de variations.
Je rajoute — juste pour moi — que c’est assez incroyable d’ailleurs. Moi j’y arrive un peu, mais pas aussi bien que Solène. Pas encore !
— Et bien oui, j’aime bien ! Et j’espère même en trouver d’autres, des vers de terre, ou n’importe quoi à manger, parce que j’ai trop faim !
Mon hérisson aussi il a faim : après avoir dégusté la souris, il vient d’attraper une mouche prise dans une toile d’araignée. Brrrr… Heureusement que l’araignée n’était pas là, il l’aurait sans doute dévorée également. Je savais que les hérissons mangeaient tout ce qui leur tombait sous la patte, mais il y a une grosse différence entre « savoir » et « expérimenter ».
— Moi aussi Solène mon hérisson il est très vorace[4]. Et j’ai la nette l’impression qu’il va où l’emmènent son nez et ses oreilles. Je veux dire, il sent quelque chose de bon, et hop ! il va tout droit dans cette direction-là, peu importe s’il y a des obstacles.
— Oui, ma hérissonne me fait pareil. Je comprends ce que tu voulais dire quand tu parlais de manège tout à l’heure. Les fois précédentes, on agissait sur nos « hôtes », même si on le faisait sans vraiment le réaliser, mais ce n’est pas le cas ce soir.
— Exactement ! Vu qu’on les laisse aller où ils veulent, c’est comme on faisait du roller, mais les yeux fermés et avec quelqu’un qui nous tire dans la direction qu’il souhaite sans nous demander notre avis !
— Tiens, c’est une idée ça ! On pourra essayer !
— T’es un peu givrée toi non ?
— Bah, c’est tout l’intérêt d’un manège de ne rien diriger justement…
— Mouais…
Je suis dubitatif. Faut pas croire, j’aime bien les manèges hein ? Juste, pas les trop violents quoi. Et puis là c’est différent quand même. Nous ne sommes pas vraiment les hérissons, on squatte juste.
— Dis Solène… À ton avis, si l’un de nos hérissons a un accident, il nous arrivera quoi à nous ? On reviendrait automatiquement dans nos corps ou… ?
Je n’avais pas envie d’imaginer l’alternative possible. Et vu le manque de réponse de Solène, ma sœur préférait ne pas y penser non plus.
[3] Voir « le casque magique : Martha la chatte »
[4] Vorace = Qui dévore, mange rapidement tout ce qui lui tombe sous la patte.
Chapitre 5 – Cochons des haies
Nous restons quelques minutes silencieux, et je me demande si Solène est en train de penser comme moi à la durée de vie très faible des hérissons en pleine nature.
Les hérissons vivent entre 7 et 10 ans s’ils n’ont pas d’accidents. Malheureusement, dans la réalité, leur taux de mortalité est très important, ils ont donc une espérance de vie moyenne de trois ans environ, et la plupart (environ les trois quarts) meurent la première année.
Je suis vraiment triste chaque fois que j’y pense depuis qu’on a fait nos recherches. Il y a tellement de dangers qui les guettent que-
— C’est trop bon les limaces ! Je vais avoir l’estomac bien rempli si je continue à en trouver des bien grasses comme ça !
Je ne peux pas m’empêcher de rire. Oh ? J’ai réussi à rire télépathiquement, super, je fais des progrès !
— Pourquoi tu rigoles ? Tu devrais essayer et tu verras bien !
— Je rigole parce que ta hérissonne à l’air tout aussi gourmande que mon hérisson !
— Et elle fait un de ces bruits en mangeant, c’est impressionnant !
— Ah ah ! Même sans manger, les hérissons sont très bruyants pour tout ce qu’ils font ! Ils soufflent, ils grognent, ils crient… c’est des coups à avoir peur la nuit si on ne le sait pas.
— Je sais
, confirme Solène, et en anglais, un hérisson ça se dit même « cochon des haies », c’est trop drôle ! J’imagine bien les premiers anglais qui ne connaissaient pas les hérissons et qui ont eu peur que de gros cochons soient entrés dans leur jardin !
Comme le dit Solène, hérisson se dit « hedgehog » en anglais, ce qui se traduit littéralement par « cochon des haies » !
— Dommage que tonton soit obligé de surveiller nos corps, j’ajoute en souriant mentalement, il aurait sans doute pu nous suivre à la trace rien qu’en nous écoutant.
Photo d'un homme qui rampe sous des barbelés — Et grimper sur le mur et passer sous les haies ? À mon avis, même s’ils font du bruit, ça ne doit pas être si facile que ça de suivre un hérisson.
Ce qui n’empêche pas Solène de glousser avec moi en imaginant tonton à plat ventre en train d’essayer de se faufiler sous un grillage.
— Aaah ! Hélios ! Crie-t-elle subitement.
— Oui, qu’est-ce qu’il y a ?
— Je suis coincée !
— Coincée ? Coincée comment ? Coincée où ?
— Je ne sais pas ! Mais je n’arrive plus à avancer, il y a quelque chose qui me retient ! Au secours !
— Mais je ne peux pas t’aider, je ne sais même pas où tu es ? Et on a dit qu’on n’intervenait pas…
je me force à ajouter, bien que je commence à m’inquiéter.
PLOUF !
— Aaah ! Solène ! Au secours !
— Ah non hein ? C’est moi qui ai demandé du secours en premier !
La situation a beau être particulière et un peu effrayante, aussi bien moi que Solène nous mettons à rire de nouveau comme deux andouilles.
— Qu’est-ce qu’il t’est arrivé à toi Hélios ?
— Je suis tombé dans un trou d’eau ! Je vais bien, j’ai été surpris, mais je suis déjà sorti, ouf ! Et tu savais que les hérissons ils s’ébrouent[5] comme les chiens ? C’est trop marrant ! Faudrait qu’on essaye de faire pareil en sortant du bain, il y a tellement d’animaux qui le font que ça doit être efficace non ?
— C’est papa et maman qui vont être contents si on met de l’eau partout dans la salle de bain, me répond Solène en riant.
— Et toi Solène, tu es encore coincée dans tu ne sais pas quoi ?
— C’est un filet de potager j’ai l’impression, et oui, je suis toujours coincée. Je crois même que je suis dans le jardin de tonton ? Je me souviens qu’il a mis un filet autour de ses légumes pour empêcher les oiseaux de lui picorer ses graines.
Parmi les accidents possibles, les filets de potager peuvent être très dangereux, comme le constate Solène. Il faut donc les éviter, ou au moins laisser 30 cm entre le filet et le sol pour que les hérissons puissent passer sans risquer de se prendre dans le filet.
À noter au passage que le hérisson peut hérisser ses poils ou non, les aplatir ou non, puisqu’il a des muscles à la base de chacun de ses poils pour le faire… Mais ce n’est pas pour autant que les poils peuvent totalement disparaître. Donc s’il passe la tête dans un grillage et que son corps ne passe pas, il ne peut plus reculer, ses piquants le bloquant, et il peut se blesser gravement et même mourir si personne ne l’aide.
Les noyades également arrivent, car bien qu’ils sachent nager, les hérissons peuvent s’épuiser s’ils n’arrivent pas à ressortir de l’eau. Pour éviter ceci, il faut donc penser à mettre une planche ou un support leur permettant de ressortir si les parois sont lisses, comme c’est souvent le cas des piscines.
— Tu es encore dans le jardin de tonton ? Je pensais que tu serais beaucoup plus loin que ça depuis tout ce temps ?
Les hérissons peuvent parcourir plusieurs kilomètres la nuit… quand ils en ont besoin !
— Moi aussi ! On a dû tourner en rond ? Hélios, ça ne va pas du tout, ma hérissonne panique complètement et elle s’emberlificote[6] de plus en plus dans le filet. Je ne vois pas comment on va pouvoir s’en sortir, c’est terrible ! Et si elle s’étrangle ?
— Peut-être que tu devrais retourner dans ton corps pour l’aider en tant qu’humaine ?
Seul le silence me répond.
— Solène ?
— Oui Hélios, je suis toujours là ! C’est une très bonne idée, et je crois que je vais être obligée de faire ça. Dommage, j’aurais bien voulu continuer à me promener un peu…
— … tu aurais bien voulu manger plus de limaces tu veux dire ? Ah ah ah !
[5] S’ébrouer = Se secouer pour se débarrasser de l’eau.
[6] S’emberlificoter = S’emmêler, s’empêtrer dans quelque chose.
Chapitre 6 – Déroule ou déroule pas ?
Solène ne parle plus, alors je suppose que ça y est, elle a dû retourner dans son corps. Je suis déçu pour elle, mais là, elle n’avait pas vraiment le choix, c’était une question de vie ou de mort pour sa hérissonne.
C’est un peu triste, tout ce silence, surtout que ce soir, on était particulièrement bavards télépathiquement, vu qu’on a été séparés tout de suite.
Quant à mon hérisson, il continue de se promener tout en mangeant tout ce qu’il trouve à sa portée.
— Aïe !
Mon hérisson se fige tellement je suis surpris d’entendre encore la voix de Solène dans ma tête.
— Solène ? Tu es toujours là ?
— Bah oui.
— Mais je croyais que tu étais retournée dans ton corps ! Tu ne peux pas laisser ta hérissonne coincée comme ça, elle risque de mourir !
— T’arrêtes un peu de paniquer ? Tonton est là, il est en train d’essayer d’enlever le filet qui me bloque.
— Tonton Marty ?
— Bah oui ! Évidemment que je ne parle pas de tonton Fernand qui a 98 ans et plus toutes ses dents hein ?
— Tu aurais pu me le dire qu’il était arrivé, je ne t’entendais plus alors je croyais que tu étais partie. Au fait, il s’en sort ? Pourquoi tu as dit « aïe », tu t’es fait mal ?
— Oui, j’ai mal au museau, je crois que je suis blessée. Oh attend, chut ! tonton me parle.
Au tour de Solène de me dire chut alors je parle même pas. J’ai envie de râler pour le principe, mais elle reprend la « parole » :
— Bon, tonton dit qu’il va soigner ma hérissonne- Oups !
— Qu’est-ce qu’il y a cette fois ?
Photo d'un hérisson en boule tenu dans des mains gantées — Tonton nous a attrapés et ma hérissonne s’est mise en boule… sur son doigt. Heureusement que je savais que les hérissons peuvent tomber de haut sans se faire mal, parce qu’il nous a carrément lâchés !
Tiens, je n’ai rien lu à ce sujet, on peut se coincer le doigt quand un hérisson se met en boule ? C’est toujours bon à savoir !
Par contre, c’est assez angoissant de ne pas voir ce qu’il se passe. C’est comme avec les bébés, je suis obligé de poser des questions si je veux satisfaire ma curiosité.
— Il a mis des gants avant de vous attraper pour pas se faire piquer ?
Il est fortement conseillé de prendre des gants pour attraper un hérisson. Pas seulement parce que (ouille !) il a des piquants bien durs s’il se met en boule, mais surtout pour éviter les maladies (gale, salmonellose) et les parasites (puces, tiques) dont ils sont parfois porteurs.
Quant aux bébés qui n’ont pas encore leurs piquants bruns, interdiction formelle de les toucher, sauf urgence, car leur mère pourrait les rejeter.
— Non. Il n’a peut-être pas eu le temps. Ou alors il voulait que ma hérissonne reconnaisse son odeur pour ne pas avoir peur ? Mais bon, elle a peur quand même, il faut dire que se retrouver coincée dans un filet, c’est assez éprouvant.
— Et ?
— Et on rentre dans la maison, il y a plein d’odeurs que je ne connais pas, ils ont un bon flair les hérissons ! Je suis toujours en boule.
— Et ?
— Pff… et il essaye de dérouler ma hérissonne pour pouvoir voir son museau et la soigner. Mais il n’y arrive pas. Je pourrais l’aider, mais on a dit qu’on n’intervenait pas… du coup, je me déroule ou pas ?
— Je suppose que non… mais bon, d’un autre côté, tu es blessée, ce serait mieux qu’il puisse te soigner.
— Je vais attendre un peu, il est en train de râler, c’est marrant.
Je rigole en imaginant tonton essayer de dérouler le hérisson. Tant pis pour lui, il n’avait qu’à se renseigner comme nous, alors il saurait comment faire !
— Alors ? Il y arrive ?
— Oui, je n’ai pas eu besoin de l’aider au final.
— Et maintenant ?
— Tu ne veux pas arrêter de me harceler ? Je te raconterais plus tard !
Oh ! Elle exagère ! Pour la peine, peut-être que je ne lui dirais pas ce qu’il se passe avec mon hérisson !
Enfin, si jamais le mien fait autre chose que se promener et manger… Il arrive plein de choses à Solène, mais à moi, rien du tout, c’est vraiment nul.
Évidemment, c’est à ce moment-là que je réalise que j’ai parlé trop vite et que j’aurais mieux fait de me concentrer sur mon hérisson au lieu de ma conversation mentale avec ma sœur.

Chapitre 7 – Une voiture suffit
Si j’étais humain, j’ouvrirais de gros yeux affolés. En l’occurrence, même si mes yeux actuels ne voient pas très bien, je comprends parfaitement que mon hérisson se dirige droit sur la départementale qui traverse le village de tonton : j’entends très bien les voitures !
— Oh là là ! Oh là là ! Oh là là !
— Qu’est-ce qu’il se passe Hélios ?
— T’es vraiment certaine qu’on ne doit pas intervenir du tout ? Mon hérisson veut traverser la route ! Il y a tout le temps des hérissons écrasés, je ne veux pas être écrasé moi !
L’une des principales causes d’accident pour les hérissons, ce sont effectivement les voitures.
C’est la deuxième cause de décès chez les hérissons, juste après les intoxications aux pesticides.
À noter au passage que si vous trouvez un hérisson figé sur une route ou le bord d’une route, vous devez impérativement éviter de le déplacer trop loin, car il cherchera toujours à revenir sur son territoire d’origine. Pire encore, si c’est une femelle, vous risquez de l’éloigner dangereusement de ses petits.
— Calme-toi, à cette heure-ci, il n’y a pas tant de voitures que ça…
— Il n’y a pas besoin qu’il y en ait quinze ! Une voiture ça suffit pour se faire écraser !
J’ai encore plus peur que lorsque mon hérisson a foncé sur le mur. J’essaye de voir s’il y a des voitures, mais sans succès.
Photo des phares d'une voiture de nuit Ça y est, il est déjà sur la route, il traverse… et une voiture arrive !
— Vite ! Accélère ! Je crie à mon hérisson, un peu désespérément.
— Je ne suis pas certaine qu’il t’entende !
Qu’il m’ait entendu ou pas, je n’en ai aucune idée, mais ce que je sais, c’est qu’il se met brutalement en boule… en plein milieu de la route !
Cette fois-ci, je ne crie pas télépathiquement, mais c’est limite. Par contre, je me déroule et je fonce à toutes pattes de l’autre côté de la route, en sécurité. La voiture passe juste à côté de nous.
— Hélios ?
— J’ai complètement pris le contrôle du hérisson Solène, mais je n’avais vraiment pas le choix ! C’était ça ou il risquait de se faire écraser, parce qu’il s’était mis en boule au milieu de la route !
Je suis à la fois soulagé et très mal à l’aise. Je n’ai pas seulement poussé mon hérisson à traverser, je l’ai carrément forcé et je m’en veux terriblement.
— Tu as bien fait.
J’ai du mal entendre.
— Quoi ?
— Bah, tu as bien fait de le forcer à finir sa traversée ! Tu as sauvé un hérisson !
— Oui, mais j’ai complètement pris le contrôle de son corps, ce n’est pas bien !
— Écoute, c’est facile : Imagine, tu vois un enfant qui reste planté au milieu de la route et une voiture arrive, c’est la nuit, elle ne peut pas le voir. Tu vas le pousser pour le forcer à se mettre sur le côté, même s’il ne veut pas, ou tu vas le laisser sur place ?
— Oui c’est vrai… forcément que je vais le pousser de là, même s’il résiste et me donne des coups de pied, je ne peux pas le laisser sur la route, c’est évident ! … Merci Solène.
Je ne sais pas pourquoi je n’y ai pas pensé tout seul, mais l’exemple est suffisamment parlant pour que je ne me sente plus coupable d’avoir obligé mon hérisson à traverser.
— Dis-toi que grâce à ton intervention, ton hérisson aura survécu une soirée de plus !
— C’est terrible, tous ces dangers qu’il y a partout…
— C’est la vie d’un animal… on n’y peut rien, c’est comme ça !
Peut-être, mais j’aimerais bien pouvoir y faire quelque chose moi !
— On peut essayer de faire de la prévention peut-être ? Rappeler aux gens de ne pas conduire trop vite la nuit ?
— Je ne sais pas si ça suffira, me répond Solène, un peu fataliste[7]. Même sans les voitures, il y a beaucoup d’autres dangers pour eux.
— Et bien moi, je dis qu’on doit faire notre maximum pour éviter de tuer des hérissons ! Même si ça n’en sauve qu’un ou deux, ce sera toujours ça de gagné !
— Je suis partante ! me répond Solène d’un ton déjà plus optimiste. Maintenant qu’on connaît bien les hérissons et leurs habitudes, on pourra en parler à tonton et voir ce qu’on peut faire ?
Super ! C’est une bonne décision que nous venons de prendre, et ça me soulage énormément. Oui, bien sûr qu’on ne pourra pas tous les sauver, mais on fera notre maximum, et c’est ça le plus important !
[7] Fataliste = Lorsqu’on pense qu’on ne peut rien y faire, que le monde fonctionne comme ça et puis c’est tout.
Chapitre 8 – Gourmand mais pas téméraire
— Et toi Solène, ça va de ton côté ?
— Oui, tonton m’a soignée avec juste un peu d’eau, parce qu’il ne savait pas s’il pouvait mettre du désinfectant.
— La prochaine fois, on donne le résultat de nos recherches à tonton avant d’utiliser les casques.
— Ou mieux encore, il fait les recherches avec nous. En attendant, je suis bien contente qu’il ne m’ait pas badigeonnée de désinfectant pur, ça aurait été un enfer !
Pour soigner un hérisson, mieux vaut contacter des spécialistes pour ne pas faire de bêtises. N’importe quel désinfectant ne peut pas être utilisé par exemple, certains doivent être fortement dilués avant utilisation.
— Décidément, nos sorties avec les casques ne sont jamais de tout repos.
— C’est pas faux... on devrait peut-être demander à aller dans des poissons rouges la prochaine fois ?
Propose Solène.
— Des poissons rouges en bocal ? Non merci ! On risque de s’ennuyer à mourir… Et en pleine nature, laisse tomber, je suis certain qu’ils ont trop de prédateurs ! Non non, on trouvera autre chose de plus calme, mais tout en restant simple. Enfin… un peu moins « simple » peut-être ? Parce que mon hérisson, maintenant qu’il a traversé la route, il continue à se promener et manger. Il se promène et il mange, il se promène et il mange.
— C’est toujours mieux que de se prendre dans un filet, traverser une route, tomber dans un trou d’eau, et quoi d’autre encore ?
Me sermonne gentiment Solène.
— C’est sûr que c’est déjà pas mal ! À la rigueur, manquerait plus que— AH !
— Hélios ? « Ah » quoi ? Manquerait plus que quoi ?
— Que de croiser un prédateur ! Solène ! Au secours !
Mon hérisson hérisse ses piquants pendant que je panique un peu, mais il ne se met pas en boule. Pourtant, c’est bien un renard qui se trouve devant nous, pas de doute possible !
Photo d'un renard qui nous regarde d'un air curieux — Solène ? Je croyais que le renard était un prédateur du hérisson ?
— Tu vois un renard ? Trop génial ! Je suis jalouse ! Enfin… ça va Hélios ? Tu es toujours vivant ?
Cette question bête ! Si j’avais été mangé, je ne pourrais pas lui répondre !
— Oui, ça va, je lui réponds tout de même. Mais j’ai un peu peur, plus que mon hérisson, bizarrement.
Car en effet, au lieu de se mettre en boule, une fois le renard passé, mon hérisson se met à courir derrière lui !
— Solène… je crois que mon hérisson a pété un câble…
— On ne trouve pas tout sur internet non plus, tu sais… rien de mieux que les recherches « sur le terrain ! ». Peut-être qu’il connaît ce renard ?
— Mouais…
Les renards qui habitent près des villes et villages se sont souvent adaptés. Tout comme les chats (qui sont normalement aussi des prédateurs des hérissons), ils vont parfois préférer manger des croquettes plutôt que de se risquer à se frotter aux piquants d’un hérisson !
Je ne suis pas convaincu. En attendant, je trottine tranquillement derrière un renard, et ça, c’est top quand même.
Je suis tellement concentré à essayer d’apercevoir ce que je peux que j’en oublie les autres sens — bien plus intéressants — que possède mon hérisson pour suivre le renard. Je ne réalise qu’une fois le nez dans les croquettes que nous sommes revenus au point de départ : je reconnais la gamelle de tonton !
Je me bâfre[8], mangeant joyeusement et bruyamment… aux côtés du renard, qui mange aussi des croquettes, en prenant bien garde de ne pas toucher à mes piquants.
Tonton nous a expliqué que sa chatte n’hésitait pas à manger avec les hérissons, et souvent leur laissait la place pour ne pas risquer de se prendre un coup de piquant.
Mais un renard, quand même ! Je ne m’y attendais pas.
— Bah, tu sais quoi Solène ? Les renards, ils sont comme les chats en fait… gourmands, mais pas téméraires[9] !
Ce fut seulement lorsque tonton s’approcha de la porte que le renard s’enfuit à toutes pattes. Je crois que tonton ne l’a même pas remarqué.
Quant à mon hérisson, il s’immobilise, puis continue à manger tranquillement lorsqu’il reconnaît l’odeur de tonton.
Et au fait, pourquoi tonton était à l’intérieur et pas dehors en train de surveiller nos corps ?
[8] Se bâfrer = Engloutir, dévorer, se goinfrer.
[9] Téméraire = Casse-cou, à la limite de l’imprudence. Ici, ne pas être téméraire signifie donc que le renard est prudent et préfère manger des croquettes tranquillement que risquer de se piquer en essayer de s’attaquer au hérisson !
Chapitre 9 – Ne va pas chez la voisine !
— Solène ? Tonton était encore à l’intérieur de la maison. Tu es toujours avec lui ?
— Oui, mais t’inquiète pas, c’est juste que tonton en a profité pour me donner autre chose à manger : il a fait le tour de la maison pour regarder s’il y avait des araignées dans les coins des plafonds.
— Beurk ! Heureusement que ce n’était pas mon hérisson, je suis presque arachnophobe[10] !
Je frissonne — intérieurement — d’horreur à imaginer Solène en train de gober toutes ces araignées.
— Oh ça va, tu n’es pas « vraiment » arachnophobe, c’est juste qu’elles te dégoûtent quoi. Moi aussi, un peu, mais je les trouve également fascinantes… et délicieuses !
— Beurk ! Mais arrête !
Quelle horrible image mentale ! Alors que j’ai encore la tête pleine d’araignées (pas pour de vrai hein ?), je sens les piquants de ma sœur pousser les miens et mon hérisson se reculer.
Mais ? J’ai le droit de manger des croquettes moi aussi !
— Solène ! Il y a assez de place pour deux dans cette gamelle, pourquoi tu me pousses ?
— Parce que je meurs de faim, je me sens capable de terminer toutes les croquettes à moi seule.
Je n’ai pas le temps de répondre que mon hérisson part sans demander son reste.
Solène a fait fuir mon hérisson comme tout à l’heure avant que nous rentrions dans leurs corps. Au moins, maintenant, je sais pourquoi. Avec ses bébés et l’hiver qui arrive, elle a besoin de manger le plus possible pour reprendre du « poil de la bête »[11] !
Les hérissons hibernent d’octobre à mars environ, lorsque les températures chutent. C’est pour cela que juste avant et juste après leur hibernation, il ne faut pas hésiter à les nourrir !
Pour les hérissonnes qui ont leurs bébés juste avant l’hiver, il y a peu de chance pour que les petits survivent sans aide extérieure, car ils n’auront pas le temps de faire assez de réserves. On dit en général qu’en dessous de 600 grammes, un hérisson n’a aucune chance de survivre à l’hiver.
Par ailleurs, ils se réveillent de temps en temps brièvement pendant l’hiver (environ une fois par semaine), n’hésitez donc pas à leur laisser à disposition de l’eau et de la nourriture également l’hiver si cela vous est possible.
Alors que je viens de passer dans le jardin de la voisine — en grimpant le mur encore une fois — j’entends la voix de tonton, mais je ne comprends pas ce qu’il dit.
— Solène ? Il a dit quoi tonton ?
— Il a crié « ne va pas chez la voisine ! », mais je ne sais pas pourquoi ?
Moi non plus. Pourquoi je n’irais pas chez la voisine ? Elle n’a pas de chien, ni même de chat. En fait, je crois qu’elle n’aime pas beaucoup les animaux. Mais elle n’irait pas essayer de tuer un hérisson tout de même, si ?
— Je ne vois pas pourquoi il a dit ça, mais je ne pense pas que la voisine soit si méchante. Enfin, tant qu’on ne vient pas manger son jambon quoi[12]. Et puis elle dort peut-être déjà à cette heure-ci, elle est vieille et à la retraite.
— Ah ben ils seraient contents grand-père et grand-mère d’entendre ça… ils dorment moins que nous tu sais ?
— Tu ne leur répètes pas Solène ! Je m’affole aussitôt.
— Je ne dirais rien à condition que tu me laisses manger ton dessert ce soir.
— Quoi ? Et après tu dis que c’est moi le gourmand !
— Mais j’ai trop faim Hélios, tu ne peux pas imaginer à quel point…
J’essaye quand même de comprendre… et je le regrette rapidement, la visualisant dans les mains de tonton en train de gober les araignées de la maison.
Puis mon cerveau arrête de penser à des âneries, car j’entends un bruit qui me paraît étrange. Ça n’a pas l’air de déranger mon hérisson, mais moi, si.
Je le connais ce bruit, mais qu’est-ce que c’est déjà ?
Photo d'une tondeuse automatique Je n’ai pas le temps de réfléchir plus longtemps que le ronronnement se rapproche et que je vois avec terreur la tondeuse automatique de la voisine foncer droit sur nous !
Mon hérisson s’immobilise et moi avec lui, car j’ai tellement peur que je reste paralysé ! Mais il faut que je bouge sinon c’est la catastrophe !
Les tondeuses automatiques (tout comme les tondeuses normales si on ne fait pas attention en la passant) font aussi partie des risques mortels pour les hérissons. Il faut absolument éviter de les faire tourner le soir ou la nuit, le hérisson étant un animal nocturne.
Il arrive que l’on croise un hérisson en pleine journée, mais dans ce cas, il faut s’inquiéter, car il est peut-être blessé, malade, ou affamé. Sortir en plein jour est un gros risque pour le hérisson, car il y a des mouches, et si une mouche pond sur lui, il en mourra lorsque les vers sortiront de leurs œufs.
[10] Arachnophobe = Quelqu’un qui a une très grande peur des araignées.
[11] Reprendre du poil de la bête = Reprendre des forces après une épreuve.
[12] Voir « le casque magique : Martha la chatte »
Chapitre 10 – Oui, tu "dois" !
Je ne bouge pas, mais je bouge.
Enfin, je veux dire, mon hérisson reste en boule, mais il est soulevé du sol brutalement, et juste après, le son atroce de cette tondeuse s’arrête.
— Je ne sais pas si tu es Hélios, ou Solène, ou simplement un hérisson, mais tu viens de t’en sortir de justesse ! Dit alors une voix que je reconnais immédiatement.
C’est tonton ! Tonton nous a sauvé la vie, à moi et au hérisson ! Je me demande comment il est arrivé aussi vite, il a dû sauter le muret de la voisine. Elle va râler.
— Si jamais l’un de vous deux est dans ce hérisson, il serait peut-être temps de rentrer non ? Reprend tonton.
Puis il me repose sur le sol, à côté de la tondeuse éteinte. Je suis encore sous le choc de notre presque mort. Si jamais le hérisson avait été tué par cette tondeuse, que me serait-il arrivé ?
Bref, j’ai eu très peur. Et cette fois-ci, c’est sans m’en rendre compte que je suis retourné dans mon corps. Lorsque j’ouvre les yeux, je suis tout étonné d’être assis sur ma chaise.
— Tiens ? Je suis déjà revenu ? Je n’ai même pas eu l’impression d’y penser ?
Photo d'un hérisson avec les pattes sur une assiette de croquettes Regardant en direction de la chaise se trouvant à côté de la mienne, je remarque que ma sœur est toujours dans sa hérissonne, elle. Hérissonne qui s’empresse de continuer à déguster ses croquettes.
— Solène ! Je suis revenu dans mon corps !
La hérissonne s’immobilise, puis Solène se réveille à côté de moi.
— Ça y est ? C’est terminé Hélios ? Il est où tonton ?
Juste à cet instant, nous voyons tonton réapparaître au fond du jardin et se diriger vers nous.
— Ça va les enfants ?
— C’est trop dangereux la vie d’un hérisson tonton, je déclare fermement.
— Et tu as des bébés hérissons dans ton jardin ! Ajoute Solène, radieuse.
Ils sont dans le jardin les choupissons ? Génial !
— Chouette tu as repéré où ils étaient ! Je veux les voir, je veux les voir !
— Dites les enfants, on ira les voir demain, ok ? Là, il commence à se faire tard et nous n’avons toujours pas mangé ! Si vos parents me demandent à quelle heure vous vous êtes couchés, je ne veux pas être obligé de mentir…
On râle un peu pour la forme, mais c’est vrai que cette soirée a été épuisante… ou plus exactement, éprouvante ! Puisque nos corps, eux, se sont bien reposés dans leur chaise !
Quelques instants plus tard, nous voilà devant un bon repas, et Solène dévore autant qu’une hérissonne affamée (oui, même mon dessert, qu’elle n’a malheureusement pas oublié).
C’est donc le ventre bien plein que Solène attaque tonton la première :
— Dis tonton, tu pourras dire à la voisine de ne jamais mettre sa tondeuse automatique en route la nuit ? Elle peut la mettre en journée, il y a moins de risques.
— Oui, bien sûr !
— Et aussi tu ne dois pas installer de filet dangereux pour les hérissons sur ton potager, j’ajoute rapidement.
— Ah bon ? Il est dangereux mon filet ?
— Et aussi faire une affiche avec des conseils pour la distribuer aux voisins, continue Solène.
— Ok…
— Et à la famille. Et aux amis. Et au village. En fait, partout et un maximum ! Parce que le pire prédateur du hérisson, c’est l’homme !
— Et après ce sont les vers à mouche… Brrr… ça, je suis bien contente qu’on ne l’ait pas observé et juste lu sur internet.
Solène et moi, on s’est mis à parler en même temps, je ne suis pas certain que tonton ai tout compris. Il finit d’ailleurs par nous interrompre :
— Vraiment ? Et bien les enfants, je crois que vous en avez des choses à me raconter, vous en connaissez bien plus que moi sur les hérissons désormais !
— Oui ! Et d’ailleurs, la prochaine fois, toi aussi tu dois te renseigner avant sur l’animal qui nous hébergera, ce sera plus prudent !
— Je « dois » hein ?
— Oui tonton ! Et installer une caméra, parce que tu as un renard qui vient te prendre des croquettes et on aimerait bien l’observer !
— Un renard ? Vraiment ? Je ne savais pas qu’il y en avait dans le coin ! Mais… ça va ? Vous n’avez pas eu trop peur quand même, vous voulez bien une « prochaine fois » ?
— OUI !
Quelle question… bien sûr que nous voulons une prochaine fois, nous avons encore plein d’animaux à découvrir !

Chapitre bonus – Infos à partager sans modération
Conseils pour éviter les accidents
- Ralentir sur les routes la nuit. Mettre les pleins phares lorsqu’il n’y a pas d’autres véhicules pour voir les animaux à l’avance et pouvoir s’arrêter à temps. S’il est sur la route et que vous souhaitez le déplacer, ne l’emmenez pas loin.
- Ne pas utiliser de produits chimiques dangereux (pesticides) dans les jardins et les champs.
- Attention en passant la tondeuse ou le coupe-bordure, si l’herbe est haute ou que vous n’avez pas de visibilité, vérifier qu’un hérisson ne se cache pas. Éviter les tondeuses automatiques, surtout la nuit.
- Ne pas brûler des tas de feuilles ni retourner son compost avec une fourche sans vérifier qu’il n’y a pas de hérisson dessous.
- Si vous avez une piscine que vous ne pouvez pas couvrir ou un trou dans votre jardin, pensez à mettre une planche afin que le hérisson puisse ressortir, car il ne peut pas toujours monter les parois lisses.
- Ne pas utiliser de filets sur vos potagers ou laisser un espace d’au moins 30 cm entre le filet et le sol. Vous pouvez aussi faire en sorte, si votre jardin est grillagé, de laisser un espace d’environ 13x13 cm dans un bas du grillage afin de faciliter leur passage d’un jardin à l’autre.
À savoir
- Législation française : Il est interdit de détenir un hérisson chez soi. Veillez donc à contacter les associations si vous récupérez un hérisson en danger.
- Nourriture : Les hérissons sont omnivores, mais ne leur donnez surtout pas de lait de vache ni de pain, ils en mourraient. Ils aiment les croquettes pour chats au poulet et de l’eau pour boisson.
- Hibernation : Un hérisson hiberne d’octobre à mars environ, mais il se réveille chaque semaine et peut à ce moment-là chercher un peu de nourriture. Si vous voyez un hérisson qui fait moins de 600 grammes fin octobre ou pendant l’hiver, prenez contact avec une association pour suivre leurs conseils.
- Prédateurs : Le plus grand prédateur du hérisson, c’est l’homme, qui est responsable de la mort de plus de la moitié d’entre eux (accidents et intoxications). Le second, ce sont les parasites.
- Soins : Un hérisson vu en pleine journée doit vous inquiéter. Vous pouvez vérifier son état de santé, et regarder attentivement s’il n’a pas d’œufs de mouches sur lui (ressemblent à des petits grains de riz en grappes). S’il en a, ils sont à ôter en urgence.
- Autres : Les hérissons ont plusieurs nids, un territoire de plusieurs kilomètres, sont des animaux nocturnes, grimpeurs, et ils pourraient vivre entre 7 et 10 ans s’ils n’avaient pas d’accident.

Photo hérisson : Photo personnelle
Photo mur de pierre : Photo de brunetto ziosi sur Unsplash
Photo miniature : Photo d'une miniature en provenance du bestiaire de Rochester
Photo choupisson : Photo de Sierra NiCole Narvaeth sur Unsplash
Photo ver de terre : Photo de Sean Thomas sur Unsplash
Son d'un hérisson qui mange des croquettes : Son de Tatratank sur Freesound.org
Photo homme qui rampe : Photo de Marc Rafanell López sur Unsplash
Photo d'un hérisson en boule : Photo personnelle
Photo de phares : Photo de Christian Wiediger sur Unsplash
Photo d'un renard : Photo de Sunguk Kim sur Unsplash
Photo tondeuse automatique : Photo dans le domaine public, fournie par PxHere
Photo hérisson : Photo personnelle

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